Je ne savais pas trop comment débuter cet article et puis je suis tombé sur cette citation extraite d’Un père idéal de Paul Cleave : “Avec un peu de chance cette année, le Père Noël m’apportera un réveil qui ne fait pas de bruit”. C’est tout simple, mais cette courte phrase résume à mes yeux l’état de profonde frustration dans lequel les fêtes de fin d’année peuvent nous plonger. Avec à la clé une souffrance psychique réelle, et l’urgence de bichonner sa santé mentale pendant cette période spécifiquement déstabilisante.
Des statistiques parlantes
Une période spécifiquement déstabilisante ? Certain.es doivent se dire que je déraille en écrivant ces mots. Et pourtant, il suffit de consulter les statistiques pour s’apercevoir que, loin d’être un moment de quiétude, de recueillement, de retrouvailles et de bonheur partagé, Noël s’avère un véritable cauchemar pour beaucoup d’entre nous.
- En 2015 déjà, une enquête relayée par le site américain Healthline révélait que 62% de la population trouve les vacances de Noël “un peu” ou “très” stressantes”.
- Une enquête IPSOS pour la plateforme Qare met en évidence que 44% des parents sont en état d’angoisse au moment de Noël ; 36 % d’entre eux redoutent notamment de subir les interrogations des convives concernant l’éducation des enfants lors des repas de famille. 53 % appréhendent les dépenses financières liées aux fêtes.
- 48 % des femmes expriment un alourdissement conséquent de leur charge mentale (prise en charge et préparation des repas de famille, décoration, gestion du budget, des enfants, invitations…). Selon le site Fémina, “30% des femmes sont stressées à l’idée de recevoir du monde à leur domicile, contre 21% des hommes. Dans la même ligne, 66% des hommes seraient à l’origine des disputes de couple concernant Noël, généralement concernant la valeur des cadeaux. A contrario, 67% des femmes préfèrent se taire pour éviter les conflits”.
- 40 % des femmes âgées de 18 à 36 ans angoissent face aux retombées des excès d’alcool et de nourriture.
Les pain points de Noël
Des statistiques du même type, on pourrait en citer à la pelle. Oui, très nettement, Noël est synonyme de malaise psychique et d’angoisse pour beaucoup, avec des pain points très précis :
- L’injonction à la perfection, au bonheur, au sourire, à la légèreté, au pardon, bref la pression sociale propre à cette période.
- Le souvenir de ceux qui sont partis, le sentiment de deuil, de nostalgie également.
- Les réunions familiales interminables, souvent propices aux clashes en tous genres avec le passage obligé par le commentaire de l’actualité et de la politique, les remarques désobligeantes, la remontée des rancœurs et des frictions, le climat toxique.
- À l’inverse, un sentiment de solitude accru pour les personnes éloignées de leur famille, de leurs amis.
- La déprime saisonnière ajoutée à la fatigue accumulée durant l’année.
- L’épuisement consécutif à la chasse aux cadeaux et aux courses effectuées dans des magasins bondés avec en tête un équilibrage budgétaire complexe en période de crise économique.
- Un changement alimentaire brutal, beaucoup de mets très riches, de l’alcool sur un temps très court et du jour au lendemain.
Pas étonnant donc qu’on ressorte des fêtes de fin d’année lessivé.e, physiquement et psychiquement. 38 % des personnes interrogées lors d’un sondage mené par l’American Psychological Association évoquent une hausse significative de leur stress durant cette même période. Quant à la National Alliance on Mental Illness, elle souligne que 64 % des personnes souffrant de maladie mentale voient leur état empirer en cette occasion.
Devenez VOTRE priorité
Comment alors faire pour traverser Noël sans y laisser trop de plumes psychiques ? En bichonnant votre santé mentale. Dans tous les listing de conseils que j’ai pu consulter, on trouve en première ligne l’incontournable “Définissez vos priorités”. J’irai plus loin en affirmant : “soyez VOTRE priorité”. C’est ce que je conseille à tous mes patient.es.
- Et devenir sa priorité, cela passe déjà par l’identification des peurs liées à la période de fin d’année. Qu’est-ce qui vous angoisse ? Que redoutez-vous ? Cette exploration est essentielle pour ensuite définir des stratégies afin d’amoindrir l’impact.
- Trois points essentiels pour asseoir ces stratégies :
- Le droit d’être imparfait, ce qui revient à enfoncer une porte ouverte dans la mesure où nous sommes tous imparfaits, c’est notre nature d’être humain. Nous ne sommes pas des superhéros, ni des dieux, ni des magiciens. Nous ne pouvons pas tout rendre beau et lumineux sur un claquement de doigts. Donc si vous utilisez la même décoration que l’année dernière pour illuminer votre sapin de Noël, si vous n’avez pas le temps de faire des guirlandes de papier DIY, eh bien ce n’est absolument pas grave.
- Le droit de ne pas culpabiliser parce que vous ne vous mettez pas en cuisine pour faire le repas de réveillon ou que vous refusez d’accueillir les 20 membres de votre smala comme chaque année, quitte à tout nettoyer seul.e après. Vous avez le droit de dire NON, et de ne pas vous retourner les tripes de honte après. Vous aussi, vous avez vos limites, et vous n’avez pas besoin de tout accepter pour vous convaincre que vous êtes quelqu’un de bien. Et si vous demandez de l’aide au passage, cela ne fait pas de vous une petite chose faible et incompétente ; vous êtes juste épuisé.e.
- REMARQUE : La conscience des émotions ressenties face à cette période et les différentes situations de stress qu’elle engendre. Cerner ses ressentis, ses émotions désagréables, comprendre leur cheminement, ce qui les déclenche et pourquoi aide beaucoup pour les mettre à distance.
Quid du repas de Noël ?
En ce qui concerne les retrouvailles familiales autour de la dinde aux marrons ou le réveillon du Nouvel An avec la bande de potes, si cela vous terrifie parce que Maman est ultratoxique avec ses remarques sur votre poids/votre tenue/votre mode éducatif/votre boulot/votre mari/votre whatever, que vous n’en pouvez plus du fight par tontons interposés à propos de la crise climatique ou des hurlements des enfants qui au passage cassent tout ce qui se trouve sur leur passage, que vous êtes déjà épuisé.e à l’idée d’écouter vos amis vous raconter leur super vie alors que vous considérez la vôtre comme pas géniale (ce qui au passage est totalement faux) et que, en prime, vous êtes sujet.te aux crises d’angoisse ou en dépression, eh bien, sachez que rien ne vous oblige à vous y rendre, encore moins à expliquer pour quelle raison (à moins bien évidemment qu’une loi ait été ajoutée au code pénal sur ce point, mais j’en doute).
- Vous pouvez opter pour des retrouvailles en petit comité avec des gens que vous aimez, qui sont au courant de votre situation si vous êtes anxieux chronique, dépressif et qui vous comprennent (eh oui, ça existe). Et si vous tenez malgré tout à honorer la réunion familiale de votre présence, prévenez que vous venez pour le dessert, ce qui raccourcira considérablement votre supplice.
- ATTENTION : ne proposez pas l’apéritif, vous vous feriez piéger par un “Allez, reste ! On ne se voit jamais blablabla” ; fatalement, vous allez avoir toutes les peines à dire non (pas de honte, on s’est tous fait avoir). Au moins avec le dessert, vous arrivez en bout de course, toute la famille est déjà lestée de foie gras/huitres/saumon/dinde/pommes dauphine/salade/fromage/vin + les petits gâteaux de l’apéritif que vous avez ratés, veinard.e ! Et votre arrivée devrait court-circuiter la corrida politico-idéologique qui accompagne généralement l’arrivée de la bûche sur la table.
Hiérarchiser, déléguer, simplifier
Ok ça, c’est dans l’absolu. Si malgré tout, vous devez vous y coller et jouer les organisateurs.trices, c’est le moment de miser sur les bonnes vieilles méthodes type SMART, POMODORO, matrice d’Eisenhower et autres outils dont accouchent managers et psys du travail depuis 1950. Si ça marche en entreprise, ça marche aussi très bien pour gérer l’orchestration des fêtes de fin d’année sans pression ni anxiété.
- Misez également sur un allègement conséquent des tâches : DELEGUEZ ! Plutôt que de traquer LE cadeau unique, magnifique, merveilleux, optez pour la carte-cadeau : rapide, efficace, léger à porter, et ça ne finira pas sur les sites de revente une fois que vous aurez le dos tourné. Vous êtes trop épuisé.e pour vous mettre au fourneau ? Demandez aux invités d’amener quelque chose, ou optez pour le traiteur, voire du surgelé.
- Autre conseil qui devrait pas mal vous alléger le mental : coupez les réseaux sociaux. Habituellement, c’est déjà un espace d’affrontement, d’insulte, d’anxiété chronique alimentée par une actu sordide vécue presque en direct live par vidéos interposées. Au moment de Noël, l’effet “montagnes russes émotionnelles” est décuplé. C’est à celui qui aura les plus belles décos de Noël, le plus beau sapin, le repas le plus sympa, la famille la plus mignonne vs l’horreur d’un monde mis à feu et à sang. Pas bon pour le moral et totalement éloigné des réalités du moment. Or pour préserver votre santé mentale, il vaut mieux vous ancrer dans l’instant présent pour échapper à la rumination. Bref, coupez les réseaux sociaux.
- Et si vous ne parvenez pas à faire tout ça, ce n’est pas grave, vous faites ce que vous pouvez et c’est déjà très bien ! Rappelez-vous : nul n’est parfait.
Des moments à soi
Prévoyez des moments à vous : un bain, de la lecture, une promenade, un peu de solitude loin du bruit, des cris.
- Pensez à dormir, à vous reposer, quitte à faire la sieste pour reconstituer vos batteries. Ce n’est pas le signe de vous êtes paresseux.se, mais un atout considérable pour préserver votre santé, votre équilibre, votre bien-être et restaurer votre productivité.
- Hydratez-vous, buvez eau et/ou tisane : comme je le disais plus haut, la période est propice à des agapes alimentaires conséquentes, avec excès d’alcool et de sucreries, de plats gras : boire beaucoup d’eau est un moyen d’éliminer et de réduire l’impact sur le mental.
- Par ailleurs, vous pouvez aussi, si vous le désirez, ne pas tomber dans les excès (il n’ya pas d’injonction à baffrer au moment de Noël, je n’ai vu ça inscrit nulle part dans les textes de loi). Si vous choisissez de ne pas vous gaver, vous en avez le droit, tout comme vous avez parfaitement le droit de manger ce que vous voulez. L’idée, c’est d’être libre, de se faire plaisir, sans tomber dans l’excès, le trop -et si vous êtes soumis à un régime sans sel ou sans sucre, évitez de déraper, votre corps ne va pas aimer, mais ça vous le savez déjà).
- Justement écoutez votre corps, c’est un très bon indicateur. Si vous avez un coup de pompe, posez-vous. Si vous sentez que votre foie faiblit, stoppez les marrons glacés, le chocolat. Si vous sentez que vous êtes incommodé.e par les sons, les odeurs, allez vous aérer. Tous ces signes, c’est votre corps qui vous parle, qui vous dit de ralentir.
- Si vous avez besoin de vous défouler, faites bouger votre corps : marche à pied, yoga, natation, exercices de respiration. Se mettre en mouvement, faire un peu de sport, c’est faire baisser le stress, et cela fait beaucoup de bien, instantanément.
- Ne gardez pas vos émotions pour vous : vomissez-les sur le papier, enregistrez-les en audio ou en vidéo, dessinez-les. Optez par exemple pour le journal de cinq minutes, qui va vous permettre de coucher par écrit vos ressentis de manière rapide et concise, de quoi vous vider le coeur au quotidien.
- Vous pouvez aussi utiliser une application type Jardin mental pour renseigner votre état psychique jour après jour.
- Et puis, si Noël vous angoisse tant, vous pouvez aussi en parler avec un psy, il vous aidera à identifier le pourquoi du comment et à mettre en place des parades pour traverser ces quinze jours de manière plus sereine.
Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.