Puissance phénoménale, invulnérabilité, capacité à voler, à voir au travers des objets… comme tous les super-héros de l’univers D.C. Comics, Superwoman se caractérise par une force de caractère et des pouvoirs hors normes qui lui permettent d’égaler les exploits de ses pairs masculins. Aussi, être aujourd’hui qualifiée de « superwoman » s’avère un compliment, la reconnaissance d’une émancipation doublée d’une véritable réussite. Un succès trompeur : en coulisses, la « superwoman » souffre profondément, risque l’épuisement physique et mental, le burn-out, la dépression. Et cela dans une indifférence quasi générale qui a de quoi alarmer. Explications.

L’obsession de l’efficacité ?

« Superwoman », « Wonderwoman », « Supergirl », « femme parfaite » ou « superperformante », les appellations sont multiples pour désigner ce besoin presque obsessionnel d’être exceptionnellement efficace et performante dans tous les aspects de sa vie. Psychothérapeute de renom, professeure à l’université de Stanford, Marjorie Hansen Shaevitz a analysé ce phénomène dans l’ouvrage The Superwoman Syndrome paru en 1980. Que ce soit au travail, à la maison, dans leurs relations personnelles, intimes, amicales, familiales, sociales, les superwomen se sentent obligées de surpasser les attentes professionnelles de leurs employeurs, d’être des mères parfaites, des épouses et amantes idéales, des amies à l’écoute. Certaines y ajoutent l’impératif de s’imposer en tant que femmes engagées socialement et politiquement, émancipées face aux discriminations sexistes et raciales, luttant contre les injustices dont notre univers regorge.

Résultante d’une culture patriarcale ? Injonction sociale à la performance ? Conséquences d’une éducation spécifique ? Enfance passée dans l’ombre de parents exigeants et peu à l’écoute ? Dans tous les cas, le syndrome de la superwoman passe par la volonté de tout gérer, tout accomplir, seule et sans aucune aide. Modèle d’organisation et de rigueur, la superwoman prend tout en main avec succès, supervise avec acuité, règle ses problèmes avec énergie. Et ceux des autres par la même occasion. Un peu du complexe du sauveur ? Normal, une superwoman a pour vocation de préserver le monde. Du coup, c’est la confidente idéale, toujours à l’écoute, prête à rendre service, quitte à s’immiscer dans des situations qui ne la regardent pas ou d’imposer SES solutions parfois de manière un brin dictatoriale… et de s’oublier totalement au passage, pour peu qu’elle ait jamais pensé à elle auparavant.

Superwoman : quel profil type ?

Et c’est là qu’il s’avère pertinent d’observer qui est concernée. Parmi les superwomen, on trouve en abondance :

  • Des mères qui se sentent obligées d’être des modèles de perfection avec leur progéniture, des éducatrices pointues, sévères et bienveillantes à la fois, des femmes d’intérieur accomplies, des épouses modèles, tout en jonglant avec d’autres responsabilités, professionnelles principalement.
  • Des femmes actives qui mènent de front leur carrière professionnelle ou entrepreneuriale et leurs responsabilités familiales avec la ferme volonté d’exceller dans les deux domaines.
  • Des étudiantes ardemment décidées à réussir brillamment leur parcours académique tout en participant à des activités parascolaires, ce qui peut conduire à des attentes irréalistes.
  • Des militantes, des femmes engagées socialement et politiquement,qui s’investissent dans des activités bénévoles ou communautaires avec le souci d’accomplir leur mission parfaitement.
  • Des perfectionnistes tout simplement, obnubilées par l’idée de tout orchestrer à leur manière car c’est la seule qui peut fonctionner.

Si le syndrome de la superwoman peut affecter les individus de manière différente en fonction de divers facteurs, tels que la culture, l’environnement familial, les attentes sociales et les expériences de vie , il résulte généralement d’une pression énorme dont le poids à un moment ou à un autre affaiblit la résistance. Car les personnes concernées considèrent l’appel à l’aide comme un aveu de faiblesse, une vulnérabilité ; on ne peut, on ne doit pas s’effondrer au risque de perdre le peu d’opinion favorable qu’on a de soi-même. C’est une question d’image de soi, d’ego. Car être un Superwoman s’avère gratifiant : on se sent forte, intelligente, reconnue, appréciée, indispensable.

Superwoman : un comportement à risques ?

Certes le syndrome de Superwoman n’est pas reconnu comme une condition médicale officielle. Il n’en demeure pas moins qu’il peut avoir un impact négatif considérable, avec des retombées graves au niveau de la santé physique et mentale.

  • Les femmes atteintes du syndrome de Superwoman vont progressivement se surmener en jonglant avec leurs trop nombreuses responsabilités, ce qui va entraîner une fatigue excessive et un épuisement physique et mental d’envergure.
  • La pression constante pour atteindre des normes élevées dans tous les domaines, la frustration créée par les échecs, les ratages, l’impossible accomplissement d’attentes irréalistes vont engendrer un stress chronique, avec en ligne de mire des risques de troubles anxieux et de dépression.
  • Ce stress continu va contribuer au développement de problèmes de santé physique tels que les troubles du sommeil, les maux de tête, les troubles gastro-intestinaux, les problèmes de peau, d’allergie, les douleurs musculaires, la fragilité immunitaire…
  • En se consacrant entièrement à leurs responsabilités, les femmes atteintes du syndrome de Superwoman vont avoir du mal à maintenir des échanges équilibrés et paisibles avec leur famille, leurs amis et leurs partenaires, d’où une irritabilité croissante, des problèmes relationnels, éventuellement un sentiment d’injustice et d’abandon quand les efforts accomplis pour régler une situation ne sont pas reconnus.
  • Les femmes qui se sentent obligées de tout faire sont sujettes à la rumination mentale (elles passent leur temps à se projetter pour lister ce qui reste à faire, quand et comment le faire, les problèmes qui peuvent survenir ; elles évoquent également ce qui a dysfonctionné, pourquoi…) ; elles ressentent un fort sentiment de culpabilité lorsqu’elles ne parviennent pas à répondre à toutes les attentes ; leur estime de soi en souffre profondément.
  • En se concentrant sur les besoins des autres, les femmes touchées se détournent de leurs propres besoins et leur bien-être, la négligence de soi amoindrit leur qualité de vie.
  • Les personnes atteintes du syndrome de Superwoman ont parfois du mal à déléguer des tâches ou à demander de l’aide, car elles veulent tout faire elles-mêmes. Cela aggrave leur surcharge de travail et contribue à brouiller les relations avec autrui.

Comment ne plus être une Superwoman ?

Les articles en ligne ne manquent guère, qui apportent leur lot de conseils pour ne plus être une superwoman. Une fois de plus, soyons clairs : sortir de ce type de comportement est complexe et long. On ne le fait pas en un claquement de doigts. C’est que la Superwoman tire ses origines du passé, d’une éducation, d’un contexte, autant de paramètres peu agréables à envisager. En s’occupant des autres, la Superwoman se néglige, et nie ainsi sa profonde souffrance, ses failles. C’est là que consulter un professionnel de la santé mentale peut s’avérer utile pour soutenir, éclairer, encadrer.

  • Il va déjà falloir effectuer une évaluation approfondie pour identifier le problème, mettre un nom dessus, le faire accepter. Une longue prise de conscience qui va permettre ensuite d’analyser les sources de stress, les attentes irréalistes et les pressions ressenties au quotidien. C’est le point de départ incontournable pour la restructuration des croyances perfectionnistes.
  • Le psychologue va en parallèle apporter des informations sur le syndrome de la superwoman, expliquer les facteurs qui alimentent cette pression, expliciter les schémas de pensée et de comportement qui peuvent aggraver ce problème, ce qui permet ensuite à la patiente de les identifier.
  • Il est impératif de réévaluer ses attentes, pour définir des objectifs réalistes et réalisables. Le psychologue va fournir les outils nécessaires (méthode SMART, KANBAN, POMODORO, matrice d’Eisenhower…) pour y parvenir, afin d’établir des priorités. Il est impossible de tout prendre en charge, il convient de se concentrer sur l’essentiel pour éviter de s’épuiser ; or, ça, une Superwoman ne sait pas le faire. Il va falloir qu’elle l’apprenne progressivement.
  • Elle va aussi devoir travailler son estime de soi, sa manière de s’affirmer. Apprendre à dire non, à demander de l’aide, à déléguer les tâches, à partager la charge de travail, à la maison comme au bureau, à délimiter activité professionnelle et intimité, à fixer des limites et à les faire respecter : autant de choses que la superwoman va devoir mettre en place pour préserver sa santé. Et il va falloir le faire sans éprouver de honte ni de culpabilité. Là aussi, il convient d’être accompagné, pour suivre ce cheminement, et neutraliser les pensées désagréables qui l’accompagnent.
  • Et puis il va falloir prendre du temps pour soi, sans le vivre comme un aveu d’imperfection, de faiblesse. Cela aussi, la Superwoman éprouve des difficultés à le faire. Le psychologue est là pour l’épauler, désamorcer le sentiment de vulnérabilité, faire comprendre et accepter que les instants de pause sont indispensables pour se ressourcer.
  • Il peut aussi apporter un éclairage sur les conflits entre personnes, les relations tendues, la gestion du couple, des enfants, des collègues, des proches. C’est important car toute la communication est à revoir, surtout quand la superwoman commence à dire « non » aux demandes de l’entourage.
  • Méditation, exercices de respiration, journal de cinq minutes, il existe toute une gamme d’outils pour rendre accompagner cette progression et en exprimer les différentes étapes ; le psychologue est là pour les fournir, il peut aussi permettre de juguler l’angoisse qui va immanquablement émerger de ce changement.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

Pin It on Pinterest

Share This