En rédigeant ma précédente chronique sur la dépression saisonnière, j’ai été frappé par l’amalgame opéré d’article en article entre dépression et déprime. S’agissait-il d’un jeu des synonymes pour flatter l’algorithme de Google ou d’une véritable méconnaissance du lexique et des notions qui y sont rattachées ? Cela m’a d’autant plus embarrassé que j’ai aussi identifié cette confusion au quotidien, aussi bien dans mes conversations amicales et familiales que lors de mes échanges avec mes patients. Une petite clarification s’imposait donc : si on les utilise (trop) souvent de manière interchangeable, la déprime et la dépression désignent deux réalités différentes. Et il est vital de le comprendre.

Déprime : un processus d’adaptation

Coup de cafard, coup de blues… les appellations populaires de la déprime sont assez parlantes : il s’agit d’un phénomène soudain qui n’est pas appelé à durer.

  • En effet, la déprime est fréquemment associée à une période de tristesse passagère, de découragement ou de malaise émotionnel.
  • Elle se traduit par différents signes : de la mauvaise humeur, de la fatigue, des problèmes de sommeil, une perte d’appétit et d’entrain, de l’irritabilité…
  • La déprime découle principalement de circonstances extérieures précises, des événements spécifiques de la vie : des difficultés temporaires (soucis de travail, frictions dans le couple, changement saisonnier…), des déceptions, des stress ponctuels, des changements difficiles, etc.
  • Elle est généralement temporaire (une quinzaine de jours environ) et peut disparaître avec le temps, le soutien social, ou en surmontant les difficultés à l’origine de cette émotion.
  • C’est un processus normal. Comme il est expliqué sur le site du Vidal, la déprime a pour vocation d’accompagner une phase d’adaptation de l’organisme et du mental face à une perturbation de son environnement. Cela peut être l’occasion d’interroger son parcours, d’envisager des changements bénéfiques : « Une période de déprime peut être le déclencheur d’une évolution et déboucher sur un mieux-être ».

Dépression : une maladie psychique grave

Avec la dépression, on passe dans une autre dimension. Légère ou lourde, chronique ou bipolaire, cette maladie psychique peut toucher tout le monde, à n’importe quel âge, peu importe la situation, l’origine. C’est un trouble mental grave et persistant dont les différentes formes sont répertoriées dans le DSM. Liée à un dérèglement de la chimie du cerveau, la dépression n’est en aucun cas un état de faiblesse passagère. Elle implique des symptômes plus profonds, plus durables et beaucoup plus tenaces que la déprime, des symptômes qui peuvent affecter tous les aspects de la vie d’une personne.

  • Les signes de la dépression se caractérisent par leur intensité :
    • une tristesse persistante doublée d’idées noires, parfois de pensées suicidaires ;
    • une perte d’intérêt pour les activités habituelles, travail, tâches du quotidien, loisirs ou hobbies ;
    • des troubles importants de l’appétit et du sommeil (avec perte ou prise de poids et insomnie ou hypersomnie) ;
    • une baisse notable de la libido, voire un arrêt de la vie sexuelle ;
    • une fatigue importante, une sensation de lassitude, de lourdeur qu’on n’arrive pas à surmonter ;
    • à l’inverse des moments d’agitation incontrôlable, l’altération des facultés de concentration et d’organisation ;
    • un sentiment profond et inéluctable d’impuissance et de désespoir ;
    • une autodépréciation virulente, une chute intégrale de l’estime de soi et de la confiance dans ses capacités, ses compétences ;
    • une très forte culpabilité doublée de honte ;
    • un état de peur constante, alimentée par des ruminations, de l’anxiété, éventuellement des crises d’angoisse.

On est très clairement dans une sensation d’effondrement total, de ralentissement complet de l’existence, un peu comme une léthargie généralisée. Contrairement à la déprime, la dépression n’est pas toujours directement liée à des événements précis et peut persister même en l’absence de circonstances extérieures difficiles. Elle peut engendrer des comportements addictifs, prise de médicaments, alcool, drogues. Elle nécessite le recours à un professionnel de santé, médecin, psychiatre, psychologue pour réaliser un diagnostic, mettre en place un traitement médicamenteux et une thérapie.

Soigner la dépression : un cheminement complexe

Dormir, s’amuser, pratiquer une activité qu’on aime, voir des amis et des proches, s’adonner au yoga et à la méditation, il existe pas mal de parades pour éliminer les effets d’une déprime passagère. En ce qui concerne la dépression, c’est un cheminement beaucoup plus long, complexe et douloureux. Disons les choses nettement, on ne peut en sortir seul.

  • Il faut être accompagné par des professionnels, ne serait que pour déceler la chose. Car poser un diagnostic n’est pas évident.
  • Si les symptômes semblent similaires, en réalité, ils sont beaucoup plus intenses, impactants et handicapants dans le cas de la dépression.
  • En règle générale, il convient d’aller consulter si les signes de déprime persistent au-delà de deux semaines.
  • Le médecin ou le psychiatre devra alors opérer un diagnostic différentiel, vérifier qu’il s’agit bien d’une dépression et pas d’un autre trouble psychique.
  • Il faudra éventuellement mettre en place un traitement adapté, incluant des anti-dépresseurs et peut-être des anxiolytiques. En d’autres termes, trouver les bonnes molécules, celles qui conviennent au profil du patient et lui apporteront un apaisement progressif et durable. Attention, cela peut prendre plusieurs semaines. Précisons également que la pharmacothérapie n’est qu’une facette de la prise en charge
  • Il va falloir en parallèle suivre une thérapie. Le psychologue intervient dans la boucle pour épauler l’acceptation, travailler sur la déculpabilisation et l’anxiété, apprendre à vivre avec la dépression en développant des parcours thérapeutiques adaptés, par exemple un socle de TCC.

Selon le site Depression.org, en 2015, on dénombrait à l’échelle du globe plus de 300 millions de personnes souffrant de dépression, soit une hausse de plus de 18 % en 10 ans.

En France, près d’une personne sur cinq a été touchée ou sera concernée par la dépression.

Des chiffres impressionnants qui placent la dépression au rang de premier facteur de morbidité et d’incapacité sur le plan mondial,  selon un communiqué de l’OMS publié en 2017.

Ces statistiques parlent d’elles-mêmes. Si la déprime est tout ce qu’il a de plus normal, la persistance et l’intensification des symptômes ne doivent pas être prises à la légère. C’est peut-être un trouble dépressif qui s’installe. Il faut alors en parler avec des spécialistes pour être pris en charge et traité au plus vite.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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