On utilise beaucoup le terme, il est à la mode. Il n’y a qu’à voir le trafic sur la page Wikipédia qui lui est consacrée : plus d’un milliard de visites ! Incontestablement, la personnalité passive-agressive interpelle. De là à placarder cette étiquette sur n’importe quelle attitude de désobéissance larvée, il n’y a qu’un pas. C’est bien dommage, car derrière le comportement passif agressif, il y a une souffrance, pour celui qui y recourt comme pour celui qui le subit. Constat de base : l’expression associe des contraires. Passif : on ne bouge pas, on n’agit pas, on subit. Agressif : on sort les crocs, on attaque, on agit de manière brutale. Comment peut-on être les deux à la fois ? Qu’est-ce que cela signifie ? Comment cela se traduit-il ? Pourquoi ce comportement ?

Comportement passif-agressif : de quoi s’agit-il ?

Commençons, comme d’habitude, par une définition et un point sur la genèse du concept. Le comportement passif-agressif désigne un style de communication caractérisé par une expression indirecte de l’hostilité, de l’insatisfaction ou de la colère. Les personnes qui adoptent ce comportement manifestent ainsi leurs sentiments négatifs face à une situation de manière détournée, sans avoir à les exprimer ouvertement et clairement. C’est en fait une sorte de mécanisme de défense dont on n’a pas forcément conscience.

L’historique de la notion est intéressante. Le terme « passif-agressif » a été introduit pour la première fois dans le domaine de la psychologie au milieu du 20ᵉ siècle : il a d’abord désigné la résistance passive face aux ordres de certains soldats de l’armée américaine durant la Seconde Guerre mondiale. À la même période, le psychanalyste américain George Eman Vaillant l’a utilisé pour décrire un type de comportement impliquant une résistance indirecte face aux attentes ou aux demandes des autres. On n’est donc plus dans la désobéissance volontaire et affirmée, mais dans une attitude plus complexe.

Précisons que tous, à un moment ou à un autre, nous pouvons pratiquer le passif-agressif (la technique de l’édredon dite de contre-manipulation s’en approche). Cela devient problématique quand ce comportement est constant et défini nos relations à autrui. Petite remarque qui a son poids : le comportement passif-agressif a été référencé comme un trouble dans le DSM avant d’en être retiré par manque de précision. Il est par contre référencé comme tel dans la Classification Internationale des Maladies 10. Aujourd’hui, on considère ce comportement plus comme le symptôme d’une faille narcissique, d’une immaturité comportementale et émotionnelle, éventuellement un signe de psychopathie, de paranoïa, de personnalité borderline…

Comment se caractérise le comportement passif-agressif ?

Observons la manière dont cela se manifeste. Entêtement, morosité, refus du changement, le comportement passif-agressif s’exprime de différentes façons, selon les individus et les situations.

La passivité feinte

Première option : afficher une attitude résignée face à une situation qui déplaît, mais agir discrètement de manière obstinée ou inefficace, créant ainsi des obstacles pour son entourage, ses proches, ses collègues. Cela passe par :

  • La résistance déguisée : on s’oppose aux demandes ou aux attentes des autres de manière subtile, en faisant semblant d’accepter tout en agissant de manière contraire.
  • La procrastination : on retarde délibérément des tâches importantes, on ne respecte pas les délais, souvent dans le but de créer des problèmes ou de susciter la frustration chez les autres.
  • L’omission d’informations importantes : délibérément on « omet » de partager des informations cruciales, ce qui peut entraîner des problèmes ou des malentendus.

Un discours trouble

  • Des plaintes constantes : on proteste fréquemment de manière indirecte plutôt que de communiquer ouvertement ses préoccupations.
  • Des sarcasmes et des plaisanteries blessantes : on multiplie les commentaires ironiques pour transmettre des critiques ou exprimer de l’hostilité de manière voilée.

Le refus de verbaliser

  • Le silence malveillant : on refuse de répondre ou de coopérer de manière intentionnelle dans des situations importantes, créant ainsi des tensions ou des difficultés.
  • Les non-dit : on évite de communiquer ouvertement ses sentiments ou ses besoins, mais on exprime son insatisfaction de manière indirecte.

En quoi le comportement passif-agressif constitue-t-il un risque ?

On l’imagine sans peine, ce type de comportement impacte progressivement l’entourage amoureux, familial, amical et/ou professionnel en rendant la communication complètement inefficace. La résolution des conflits est empêchée. Pire, les dynamiques relationnelles malsaines qui en découlent vont avoir des conséquences négatives sur le bien-être émotionnel et la qualité des relations.

Cela se traduit de différentes façons :

  • Les attitudes passives-agressives peuvent créer un climat de tension et d’hostilité, contribuant à la création d’un environnement émotionnellement toxique.
  • En évitant les confrontations directes, les personnes adoptant un comportement passif-agressif empêchent la résolution efficace des problèmes, ce qui engendre une accumulation de ressentiments.
  • Le comportement passif-agressif peut être perçu comme une forme de manipulation émotionnelle assez proche du gaslighting, les interlocuteurs étant constamment obligés d’interpréter les intentions cachées dans ce non-discours.
  • Les actions passives-agressives entraînent une perte de confiance dans les relations ; il devient en effet difficile de savoir si la personne s’exprime honnêtement ou si elle dissimule des sentiments négatifs.
  • Les personnes exposées de manière répétée au comportement passif-agressif vont petit à petit éprouver du stress, de l’anxiété, voire de la dépression en raison de l’ambiance émotionnelle tendue.

S’il constitue un risque pour l’entourage, le comportement passif-agressif va aussi impacter le quotidien de celui qui en use. Cela peut créer de l’isolement social, l’éloignement des autres qui perçoivent ces attitudes comme épuisantes et difficiles à gérer. On manque de soutien, la réputation professionnelle en pâtit, on atteint difficilement ses objectifs au travail comme dans la vie intime. On se retrouve pris dans des cycles de conflits répétitifs où les problèmes, qui ne sont jamais abordés directement, persistent, se répètent de situation en situation.

Pourquoi adopte-t-on un comportement passif-agressif ?

Bref, l’effet peut s’avérer dévastateur. Pourquoi alors adopter ce type d’attitude ? Les raisons sont multiples et, rappelons-le, souvent inconscientes. L’objectif est de faire face à des situations inconfortables, d’exprimer de manière détournée des émotions difficiles ou d’éviter les conflits directs. Dans tous les cas, il s’agit de gérer une situation où l’on n’arrive pas à exprimer son refus ouvertement, où il s’avère impossible de communiquer ses ressentis.

  • Les individus qui ont du mal à faire face aux conflits ou qui craignent les réactions négatives des autres peuvent adopter des comportements passifs-agressifs pour contourner les confrontations.
  • La peur d’être rejeté ou critiqué peut amener certaines personnes à exprimer leurs sentiments de manière indirecte, par crainte de ne pas être acceptées ou aimées.
  • Le comportement passif-agressif peut également résulter d’un sentiment d’impuissance ou de frustration face à des situations perçues comme injustes ou difficiles à contrôler.
  • Lorsqu’une personne ne se sent pas en mesure d’exprimer ouvertement sa colère, elle peut choisir des comportements passifs-agressifs comme moyen de libérer ou de soulager cette émotion refoulée.
  • Certains individus ont pu développer des schémas de communication passifs-agressifs au fil du temps en raison d’influences familiales, sociales ou culturelles.
  • Le comportement passif-agressif peut également être une tentative de maintenir un certain niveau de contrôle dans une relation, même s’il est exercé de manière indirecte.
  • Certains individus adoptent des comportements passifs-agressifs pour attirer l’attention ou obtenir la validation de leurs sentiments sans avoir à les exprimer ouvertement.

Soulignons que le comportement passif-agressif n’est pas toujours conscient et peut parfois être le résultat de schémas comportementaux automatiques influencés par des facteurs psychologiques, émotionnels et sociaux. Les individus qui adoptent ce type de comportement bénéficieront forcément de la prise de conscience de ces tendances, de l’exploration des causes sous-jacentes et de la mise en place de stratégies comportementales plus fluides.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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