Quand on parle de suivi psychologique autour de la naissance, les regards se tournent le plus souvent vers la mère (dixit un de mes précédents articles). C’est oublier que les pères vivent eux aussi une profonde transformation pendant la grossesse et après l’accouchement.
Entre bouleversement identitaire, pression sociale et sentiment d’impuissance, ils peuvent traverser des fragilités importantes — souvent silencieuses.

La paternité, un remaniement psychique à part entière

Devenir père n’est pas un simple “rôle” : c’est une reconstruction intérieure.
L’arrivée d’un enfant confronte chaque homme à des questions profondes :

  • Suis-je capable d’être un bon père ?
  • Quelle place vais-je occuper ?
  • Comment équilibrer ma vie personnelle, conjugale et professionnelle ?

Comme pour la mère, cette transition s’accompagne d’un remaniement identitaire : il ne s’agit plus seulement d’être fils, compagnon ou professionnel, mais d’endosser une nouvelle fonction symbolique — celle de parent, d’étayage, de sécurité.

La vulnérabilité psychique des pères : une réalité souvent occultée

Si la souffrance maternelle commence à être mieux reconnue, celle des pères reste largement invisible.
Pourtant, les études montrent que :

  • Environ 10 % des pères présentent des symptômes dépressifs dans les mois suivant la naissance (Ameli).
  • Le risque augmente lorsque la mère souffre elle-même d’un trouble du post-partum, dans un effet miroir.
  • Les troubles anxieux, le stress, la fatigue et la culpabilité sont fréquents, même sans dépression avérée.

Les causes sont multiples :

  • Pression du rôle de “pilier” ou de “protecteur” du foyer.
  • Difficulté à exprimer la peur, la fragilité, la fatigue.
  • Sentiment d’exclusion du lien mère-bébé, surtout en cas d’allaitement ou de congé paternel trop court.
  • Manque de modèles et de repères sur ce qu’est un “père présent et bienveillant”.

Résultat : beaucoup d’hommes se taisent, par peur d’être jugés faibles ou inutiles, et s’épuisent en silence.

Le “syndrome du père épuisé”

Depuis quelques années, les professionnels de santé observent ce qu’on appelle parfois un épuisement paternel postnatal.
Il se traduit par :

  • Un sentiment d’irritabilité ou de détachement émotionnel.
  • Une fatigue intense, des troubles du sommeil et de la concentration.
  • Une impression d’être “à côté de la scène”, impuissant face aux besoins du bébé ou de la compagne.
  • Parfois, une perte d’intérêt général et un repli sur soi.

Ce syndrome n’a rien d’anecdotique : il peut affecter la relation de couple, le lien père-enfant, et la santé mentale à long terme.

Un accompagnement psychologique pour les pères : pourquoi et comment ?

Le suivi périnatal des pères n’a pas pour but de “dupliquer” celui des mères, mais de répondre à leurs besoins spécifiques.
En pratique, un accompagnement psychologique peut aider à :

  • Mettre des mots sur les émotions contradictoires : joie, peur, colère, frustration, impuissance.
  • Travailler la place du père dans la triade parentale : trouver sa légitimité, son rôle, sa façon d’être présent.
  • Prévenir la dépression postnatale masculine par l’écoute et la désactivation du sentiment d’isolement.
  • Renforcer la communication au sein du couple, souvent mise à rude épreuve dans les premiers mois.

Certaines maternités proposent déjà des consultations conjointes ou des entretiens précoces incluant le père.
Mais trop souvent, les hommes ne savent pas qu’ils peuvent, eux aussi, consulter un psychologue pour ce type de difficulté — et qu’ils en ont pleinement le droit.

Récapitulons

La santé mentale périnatale est une affaire de famille.
Soutenir les mères, c’est essentiel. Mais soutenir les pères, c’est tout aussi nécessaire pour que le lien parent-bébé se construise dans la sécurité et la stabilité émotionnelle.
La parentalité n’est pas un instinct : c’est un apprentissage — et personne ne devrait le faire seul.  

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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