La perte d’empathie fait partie des indices types de l’épuisement professionnel. C’est d’ailleurs une des dimensions clés évaluées par le MBI, le test de détection du burn-out le plus utilisé au monde. Mais de quoi s’agit-il exactement ? Comment se traduit-elle ? Quels signes doivent nous alerter ? Comment y faire face ?

Perte d’empathie et épuisement professionnel

Selon le Larousse, l’empathie, dérivée du terme grec « empatheia », affection physique ou passion, désigne la “faculté intuitive de se mettre à la place d’autrui, de percevoir ce qu’il ressent”. Le déficit d’empathie se caractérise donc par l’incapacité de ressentir les émotions et les affects d’autrui, de s’identifier à leurs sentiments. C’est une des caractéristiques des troubles de la personnalité narcissique ou borderline, de la psychopathie, de la bipolarité, du syndrome d’Asperger… Quand cela survient progressivement chez une personne habituellement ouverte et à l’écoute, il convient de s’en préoccuper.

Avec l’épuisement émotionnel et la fatigue cognitive, la perte d’empathie constitue un signal fort de l’épuisement professionnel : l’individu touché change de plus en plus, s’isole, il arrête progressivement ou soudainement de s’impliquer dans les relations sociales, n’a plus de temps ni d’énergie pour s’occuper de ses clients, ses collègues, ses proches. Son comportement n’a plus rien à voir avec sa manière d’être habituelle. Son entourage s’en étonne du reste. Il devrait s’en inquiéter.

La déshumanisation à l’œuvre

Désintérêt marqué pour ceux qui nous entourent, collègues, amis, membres de la famille, incapacité à ressentir leurs émotions et à en tenir compte, la perte d’empathie est une des facettes de la déshumanisation, qui se situe au cœur du processus de burn-out et de dépression. On parle même d’épuisement compassionnel et de détresse empathique. Ce désinvestissement de la relation à l’autre peut prendre une tournure spectaculaire, avec des signes comportementaux précis :

  • manque de réaction, passivité
  • insensibilité, froideur
  • absence d’écoute et de dialogue
  • refus de la compassion
  • distanciation, voire méfiance face à autrui
  • remarques cyniques, critiques tranchantes
  • impatience, agacement, émotions exacerbées
  • agressivité verbale, voire physique.

Perte d’empathie : une résultante… ou un rempart ?

La perte d’empathie apparaît subitement ou progressivement, elle peut être épisodique ou s’installer sur la longueur. Dans tous les cas, elle résulte d’un stress, soit brutal, soit prolongé, de l’exposition quotidienne à un climat de tension : la détresse empathique peut survenir après un événement impactant (deuil, divorce, licenciement, agression…) ou face à une situation de pression dans le cadre de l’entreprise (harcèlement, surcharge de travail, climat de rivalité…) ou au sein de la famille (violences dans le couple, parents manipulateurs, proches malades dont il faut s’occuper…). L’absence de sommeil, la prise de calmants accentuent le phénomène.

La porosité entre les différentes sphères, professionnelle et intime, va jouer, la perte d’empathie passant de l’un à l’autre. On se coupe donc de ses collègues ET de son entourage, au moment où il faudrait s’appuyer sur ces ressources pour passer le cap. Et l’entourage, confronté à ce changement, va réagir en questionnant, en s’interrogeant, en ouvrant le dialogue, ce qui ne fera qu’augmenter l’enfermement. Car la perte d’empathie est certes un symptôme de burn-out, mais également une stratégie de défense. En se repliant sur soi-même, on met à distance les émotions d’autrui qu’on ne peut plus gérer et qui vampirisent le peu de force qui demeurent. Car l’empathie est une faculté qui demande de l’énergie : il en faut beaucoup pour s’identifier aux autres afin de comprendre leurs ressentis et leurs émotions. Or quand on est en burn-out, on n’a plus d’énergie, on est comme une pile vide, un réservoir siphonné. Le peu de vitalité qui reste, on le préserve en se réfugiant derrière un rempart d’insensibilité, qui s’érige souvent sans qu’on s’en rende compte.

Perte d’empathie : comment réagir ?

Que faire quand la perte d’empathie survient ? Consulter un psychologue semble une évidence, mais avant de s’y résoudre et d’attaquer une thérapie, on peut mettre en place différentes actions.

  • Déjà s’en rendre compte, conscientiser la chose et son fonctionnement ; c’est délicat de le faire seul, car au stade de la perte d’empathie, on est déjà complètement épuisé et au bord du gouffre. On ne sent plus que quelque chose va mal, on est incapable de ressentir quoi que ce soit excepté une fatigue totale : on est exténué.
  • Il convient avant tout de retrouver de l’énergie, donc s’arrêter, faire un break. Trois semaines, un mois, pas une semaine : cela ne suffira ni pour recharger les batteries ni pour commencer le travail de prise de conscience, et on est sûr de rechuter dans les jours suivants la reprise du travail. Ce repos doit être un temps de détente, sans aucune pression.
  • Si on ne peut pas s’arrêter (les chefs d’entreprise et les autoentrepreneurs notamment), il faut absolument enclencher un rééquilibrage, une réorganisation du travail avec hiérarchisation des tâches à l’aide d’outils type Kanban ou Pomodoro et périodes de repos.
  • On va ensuite réinvestir dans la sphère personnelle. Par exemple, faire des petites choses pour soi : s’occuper de son corps (maquillage, bain et soins, sport, yoga), reprendre une passion, un hobby…
  • Reprendre une vie sociale ? C’est une bonne idée : sortir faire une exposition, boire un verre avec un ami… Cette reprise doit être graduelle, pour reprendre petit à petit la main sur ses relations sociales sans être immédiatement saturé. N’oubliez pas que vous n’avez absolument plus d’énergie, ce n’est donc pas le moment d’enchaîner les nuits blanches et alcoolisées en rave party ou de manger avec quinze copines qui vont vous raconter leurs déboires amoureux, vous ne tiendrez pas.
  • Choisissez avec qui vous reprenez progressivement cette vie sociale, des personnes informées de votre état, qui ne vous questionneront pas, ne vous culpabiliseront pas, ne vous plaindront pas non plus. Dans l’écoute, attentives, patientes et capables de vous ramener au bercail si vous commencez à fatiguer ou que vous avez une crise d’angoisse ou des signes d’anxiété.
  • Soyez patient, appliquez ce principe tout simple : à chaque jour, une activité utile, une activité plaisir.

Vous désirez en savoir plus ? Vous vous reconnaissez dans ces mots ? Un de vos proches est dans cette situation ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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