L’épuisement émotionnel fait partie des indices du burn-out au même titre que la fatigue cognitive. Il convient de savoir le détecter… sans le négliger : c’est tout le problème dans une société où les excès d’émotion sont critiqués, où il faut cacher ses ressentis, où l’hypersensibilité est synonyme de faiblesse, de perte de contrôle. Quels sont les signes à prendre en compte ? Qu’est-ce qui déclenche cette fatigue émotionnelle ? Comment y remédier ? Voici quelques éléments de réponse.

Épuisement émotionnel : des signes et des causes

L’épuisement émotionnel se traduit par une série de signes spécifiques, du stress et de l’anxiété bien sûr, mais d’autres indices plus précis :

  • une sensibilité accrue aux odeurs, aux lumières, au bruit ; de la fatigue visuelle et auditive
  • un manque d’envie et d’entrain face à l’action, un ralentissement dans le quotidien
  • une baisse du désir et du plaisir à faire les choses qu’on aime habituellement
  • un sentiment plus ou moins prononcé de vide, une sensation de perte de sens
  • de l’irritation, de la nervosité, une humeur changeante à la moindre contrariété
  • des réactions beaucoup plus intenses, pouvant se traduire par des crises de larmes, de colère ou d’angoisse, devant des désagréments banals 
  • un sommeil dégradé et segmenté, des difficultés pour s’endormir, des cauchemars

Et plus ça va, pire c’est. Si elle n’est pas prise en compte, la charge émotionnelle va s’alourdir, devenir un véritable handicap qui gâche le quotidien au travail et en famille. C’est que le système sensoriel se dérègle avec les stimuli répétés d’une part, mais aussi avec les efforts accumulés pour empêcher l’expression de ces émotions : la frustration, l’impossibilité de formuler ses ressentis, les interdits qu’on se forge, les peurs, tout cela demande beaucoup d’énergie à contrôler. D’où un effet cocotte-minute qui conduit au manque de concentration, à la rumination, à l’épuisement, à l’effondrement ou à l’explosion.

Émotivité et surstimulation moderne

Comme je le disais en introduction, l’éducation, les relations, le management en entreprise, la société dans son ensemble dévalorisent l’émotivité considérée comme une faiblesse, un manque de volonté et de structuration. Celles qui souffrent d’anxiété chronique le savent bien : “Mais arrête de pleurer comme ça, sans raison”, “il faut arriver à faire abstraction”, “ce n’est pas grave, tes angoisses ne reposent sur rien” ; et ceux qui souffrent des mêmes troubles ajoutent à ces remarques le fait qu’en tant qu’hommes, ils sont encore moins tenus de sombrer dans l’émotionnel que les femmes, dont c’est soi-disant la nature.

La vision est rétrograde, d’autant que nous vivons dans un monde assez contradictoire, où digitalisation accrue et marketing galopant jouent justement sur le tout émotionnel pour attirer l’attention à tout prix. De toute évidence, la consultation constante des écrans, des réseaux sociaux, l’anxiété informationnelle engendrée, accroissent l’épuisement émotionnel en soumettant les usagers à de véritables montagnes russes affectives, alternant à une cadence d’enfer les vidéos de chatons mignons, les injonctions à la perfection physique, les informations alarmantes, les spots publicitaires. Une surstimulation néfaste, qui annule le repos, rend dépendant, et fatigue les yeux comme le cerveau.

Hypersensibilité : le mal du siècle ?

Avec en ligne de mire le spectre de l’hypersensibilité, soit, selon Wikipédia et le Larousse, “une sensibilité plus haute que la moyenne, provisoirement ou durablement, pouvant être vécue avec difficulté par la personne concernée elle-même, ou vécue comme “exagérée”, voire “extrême” par son entourage.” Il revient à la psychologue et chercheuse américaine Elaine Aron d’avoir mis en évidence ce profil spécifique en s’appuyant sur les théories de Jung, avec à la clé un test qu’elle a établi pour repérer les personnes concernées. Test dont plusieurs scientifiques ont questionné la validité, dixit l’article très complet de Wikipédia qui liste l’ensemble de ces bémols.

Il n’en demeure pas moins que l’hypersensibilité semble toucher 30% de la population française, soit 1 Français sur 3, 11 millions de personnes selon Europe 1 ; le sujet a du succès auprès des médias, si l’on en croit le nombre d’articles généralistes qui lui sont consacrés. Par ailleurs, sur Google, ce sont environ 49 500 requêtes mensuelles qu’on comptabilise sur cette thématique ; sur Instagram, on dénombre 107K publications pour le hashtag #hypersensibilité, 171K pour le hashtag #hypersensible ; les profils de coaches spécialisés sont légion. Mais en l’absence de test reconnu et d’une théorie scientifiquement valide, poser un diagnostic précis s’avère d’autant plus complexe que l’hypersensibilité n’est pas une maladie. Plus réceptifs aux atmosphères, plus empathiques, plus concentrés sur les détails, plus réactifs, les hypersensibles peuvent avoir à s’adapter constamment, d’où un état d’épuisement émotionnel constant.

Quelques pistes pour gérer l’épuisement émotionnel

Êtes-vous hypersensible de nature ou vos émotions sont-elles érodées par la fatigue professionnelle ? C’est une question à se poser, certes. Mais avant tout, il convient de mettre en place des parades pour calmer cette surstimulation qui vous use.

  • Ménagez-vous des périodes de calme, d’isolement. Aucun bruit, aucune sollicitation, un livre, une tasse de thé, une sieste, il faut mettre votre cerveau et votre corps au repos, pour récupérer.
  • Débranchez votre smartphone, votre ordinateur, coupez les notifications, les sonneries, le lancement automatique des vidéos, tout ce qui peut stimuler vos sensations, vous surprendre, vous agresser (qui n’a pas sursauté quand le son d’une vidéo se déclenche à plein volume ?).
  • Il serait sage par ailleurs d’en parler avec son médecin traitant ; une cure de magnésium pourrait sinon soulager, du moins réduire l’intensité de la fatigue émotionnelle.
  • Une fois qu’on a un peu récupéré, il va falloir cerner comment se traduit cet épuisement émotionnel : hyperesthésie, problème de sommeil, nervosité accrue ? Et il convient en parallèle d’observer les situations qui déclenchent ces poussées émotionnelles afin d’apprendre à identifier les émotions ressenties et les réactions physiques qu’elles déclenchent quand elles nous submergent.
  • Détaillez l’ensemble dans un journal de bord (le journal de cinq minutes s’y prête parfaitement) afin d’en mesurer la teneur, la fréquence, la répétitionÉcrire est un bon moyen de réaliser qu’il y a un souci.
  • Ce petit exercice amène progressivement à accepter l’émotion ressentie dans un contexte précis plutôt que de la contingenter, la nier. C’est aussi l’opportunité de s’en distancer en la formulant clairement et simplement par écrit.
  • À partir de là, fixez-vous des limites. Vous avez identifié les situations qui génèrent ces montées émotionnelles éreintantes, les sources de contrariété qui vous usent. Il va falloir les neutraliser, ce qui viendra petit à petit, en apprenant à dire non, quitte à utiliser les méthodes adéquates (édredon, DESC…)
  • Il est normal de ressentir un sentiment d’échec, de la culpabilité quand on est dans cet état ; cependant, ne vous dénigrez pas en ayant la sensation d’être faible. Vous pouvez pratiquer l’exercice du meilleur ami pour accepter cet état, vous encourager dans votre démarche… et ne surtout plus tolérer les critiques d’autrui type “arrête de pleurer”, « tu as trop d’émotions”. 

Dans tous les cas, l’important est de ne pas ignorer l’épuisement émotionnel et l’hypersensibilité qui en découle : c’est un signal très fort de burn-out. Si vous vous retrouvez dans ces lignes, si vous voyez votre état émotionnel se dégrader, n’hésitez pas à contacter un professionnel pour en discuter.

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