Personnage central du Conte de Noël de Charles Dickens (1843), Ebenezer Scrooge symbolise l’avarice et la froideur du cœur. Vieil homme solitaire, méprisant et indifférent à la misère d’autrui, il rejette toute idée de générosité ou de fête. Mais derrière ce cynisme se cache une blessure plus ancienne : celle d’un homme qui, par peur de souffrir, a choisi de ne plus rien ressentir.

Un cœur gelé par la peur

Scrooge n’est pas né égoïste. Dans le roman, on découvre l’enfant isolé, laissé seul à Noël, le jeune homme ambitieux mais déçu, puis l’adulte désabusé qui se réfugie dans le travail et l’argent pour se protéger de la douleur.
Ce parcours évoque celui d’un traumatisme affectif refoulé : quand le lien devient synonyme de vulnérabilité, le sujet se coupe de toute émotion pour éviter la blessure. L’avarice devient alors une forme d’anesthésie : ne rien donner pour ne rien perdre.

Le déni comme défense

Scrooge illustre la défense du déni émotionnel. Son mépris du bonheur des autres, sa colère face à la joie, traduisent une peur inconsciente : celle d’être confronté à ce qu’il a perdu — l’amour, la chaleur, la confiance.
En thérapie, ce profil évoquerait un faux-self protecteur, construit sur le contrôle et la rationalisation. Sous cette carapace : un vide affectif, entretenu par la honte et le regret.

Le retour du refoulé : les fantômes comme métaphore thérapeutique

Les trois esprits qui visitent Scrooge représentent à merveille les étapes du travail psychique :

  • Le passé, pour revisiter les blessures d’enfance et les deuils non faits ;
  • Le présent, pour observer les conséquences du repli sur soi ;
  • Le futur, pour entrevoir la solitude et la mort symbolique qui attend si rien ne change.

Cette confrontation agit comme une prise de conscience thérapeutique : en regardant sa vie sous un autre angle, Scrooge peut enfin ressentir — tristesse, peur, compassion — et renouer avec son humanité.

Ce qu’on travaillerait en thérapie ?

  • La reconnaissance de la souffrance ancienne, souvent dissimulée sous le cynisme.
  • La reconnexion émotionnelle : redécouvrir la chaleur du lien, le plaisir du partage.
  • La culpabilité du survivant, fréquente chez ceux qui se sont coupés pour se protéger.
  • La réconciliation avec soi-même, en intégrant l’enfant blessé qu’il a été.

Ce travail permettrait à Scrooge de sortir du gel affectif et de retrouver un équilibre entre raison et émotion.

Un conte thérapeutique

Le récit de Dickens n’est pas seulement une morale de Noël : c’est une allégorie du réveil émotionnel.
Scrooge ne change pas par miracle, mais parce qu’il ose affronter ce qu’il fuyait depuis toujours : la douleur du manque, la peur d’aimer.
C’est ce courage-là, plus que la magie, qui ouvre la voie à la rédemption.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

Pin It on Pinterest

Share This