Il occupe une place de choix parmi les facteurs encourageant la montée de l’anxiété, les crises d’angoisse et les attaques de panique : le catastrophisme. De quoi s’agit-il ? Comment fonctionne-t-il ? Quelles stratégies pour le neutraliser ?

Catastrophisme, mais encore ?

Comme son nom l’indique, le catastrophisme désigne la tendance à amplifier un élément négatif de faible importance pour y greffer toute une série de désastres imaginés

  • Exemple classique : votre compagnon ou votre compagne devait revenir d’un rendez-vous professionnel à 20h ; à 20h10, il/elle n’est pas là. Et il/elle ne vous a pas prévenu par téléphone de son retard comme il/elle le fait habituellement. Vous imaginez le pire : un accident, un enlèvement, une agression, un adultère. Pas une seconde vous ne pensez que son téléphone est vide, qu’il/elle a oublié son chargeur, ou qu’il/elle l’a tout simplement cassé. 
  • Autre exemple courant : vous repérez qu’une faute d’orthographe s’est glissée dans le PowerPoint que vous peaufinez depuis des jours pour appuyer la présentation de votre projet devant votre direction ou des clients. Dans votre tête, c’est évident : l’exposé sera atroce, vous allez perdre le contrat, mettre en péril votre entreprise, être licencié, vous ne retrouverez jamais de travail, vous allez perdre votre maison, vous ne pourrez pas payer les études de vos enfants…

Catastrophisme et pensée automatique

Développé en situation d’incertitude, le catastrophisme fait partie des erreurs de pensée qui nous amènent à percevoir la réalité de façon irrationnelle et inexacte : c’est LA distorsion cognitive par excellence, telle que l’évoque le psychiatre Aaron T. Beck dans l’ouvrage fondateur Depression: causes and treatment paru au début des années 70. Ce père fondateur de la thérapie cognitive et comportementale s’intéresse notamment à l’impact de ce qu’il appelle les pensées automatiques

  • Ces dernières découlent de croyances ancrées dans des expériences douloureuses, des traumatismes d’enfance. 
  • Elles s’enclenchent quand on se retrouve dans une situation évoquant, consciemment ou non, une souffrance passée et non cicatrisée ; les émotions négatives et anxiogènes s’accumulent alors, renforçant l’effet pervers de la distorsion cognitive, ce qui augmente encore l’intensité des ressentis. 

C’est un véritable cercle vicieux, une rumination mentale intense, avec l’attaque de panique au bout du cheminement comme une explosion, et en constant une hypervigilance qui peut muter en stress chronique.

Des effets néfastes du catastrophisme

Comme toutes les pensées automatiques négatives, le catastrophisme apporte son lot d’effets néfastes. Outre qu’il correspond à une distorsion de la réalité, à une perception viciée d’une situation, il implique d’autres aspects négatifs, au point de vue physique et mental :

  • Il y a bien sûr les symptômes physiques liés au stress et à l’anxiété engendrés par le processus catastrophiste : gorge qui se sert progressivement, vertiges, palpitations, bouffées de chaleur, frissons, tremblements, fourmillements… Il faut aussi prendre en compte l’épuisement émotionnel et intellectuel lié à la surinterprétation des événements.
  • Et puis il y a le regard des autres, leur jugement parfois. “Arrête de toujours tout voir en noir”, “Mon Dieu, quel tragédien”, “C’est fou comme tu paniques vite”… ces petites remarques n’améliorent guère une estime de soi déjà écornée ; car les personnes portées sur le catastrophisme ont souvent notion qu’elles s’emballent, mais elles ne peuvent s’en empêcher, quitte à argumenter leur réaction, tout en se blâmant de leur imagination. 
  • Ce comportement peut engendrer l’incompréhension de l’entourage, son agacement, de l’isolement, subi ou recherché, mais aussi tout un ensemble de stratégies d’évitement : interdire les sorties aux enfants pour ne pas avoir à s’inquiéter ; consulter régulièrement un médecin pour anticiper les maladies ; ne pas utiliser de voiture pour éviter un accident…

Réduire le catastrophisme sans éradiquer la peur

Ces choix ne règlent en rien la situation, encore moins les remarques et les critiques des proches. Il faut comprendre que le catastrophisme, comme toutes les pensées automatiques, ne s’éradique pas comme ça. il faut un long processus… qui ne passe pas par le gommage complet de la peur. En effet, cette dernière est un sentiment normal, inscrit dans la survie des espèces depuis l’aube du monde. Le but n’est donc pas d’effacer complètement ce sentiment de peur, mais de le ramener dans des limites raisonnables.

Premier conseil pour y parvenir : se mettre en retrait des réseaux sociaux qui véhiculent fake news, bad buzz et informations particulièrement sombres. Ce bombardement de données, d’images, de vidéos, souvent saisies sur le vif sans aucun recul, fait la part belle à tout ce qui est spectaculaire, plus spécifiquement à tout ce qui relève du tragique et engendre des émotions fortes, notamment la colère et la peur. Quand on est déjà d’un naturel inquiet, la consultation constante d’Internet n’est pas faite pour rassurer, bien au contraire, elle alimente une véritable anxiété informationnelle.

Identifier SON catastrophisme

Autre point important, pour ne pas dire fondamental, il faut prendre conscience qu’on est catastrophiste. Cela implique avant tout d’avoir identifié cette pensée automatique qui se décline différemment suivant les individus. Il faut donc s’observer, mettre à plat son fonctionnement : 

  • Dans quelles situations le catastrophisme se déclenche-t-il ?
  • Quelles formes, quelles expressions prend-il ?
  • Quelles émotions l’accompagnent ?
  • Quelles réactions physiques engendre cette pensée ?

Il importe décrire ces observations au fil des jours.  C’est bien sûr l’occasion de mettre ses pensées et ses ressentis au clair, donc de s’en distancer : poser des mots sur des maux est une première étape du changement. On peut par exemple tenir un journal daté : c’est un excellent moyen d’identifier la répétition d’un schéma sur lequel on va pouvoir travailler. En effet, au fil de cette étude de soi, des « patterns » vont apparaître qui permettent de progressivement détecter les situations déclenchant le catastrophisme.

Catastrophisme et pensée alternative

On peut aussi utiliser un tableau d’enregistrement des pensées, outil clé dans le processus de restructuration cognitive. Pour chaque situation problématique, on exprime la forme prise par la réaction catastrophiste, les pensées automatiques à la source du processus. Puis, on essaye de définir des pensées alternatives. Exemple type bien connu des personnes souffrant d’anxiété chronique : la gorge qui se noue, avec ce désagréable sentiment de gonflement qui peut faire craindre un étouffement, un œdème. La personne anxieuse peut proposer comme pensée alternative le fait qu’elle présente ce symptôme physique à chaque crise d’angoisse, qu’elle n’en est jamais morte, que ce symptôme passe avec la crise. 

L’idée est de revenir à une vision plus rationnelle des choses et d’envisager avant tout l’explication la plus simple, tout en se rappelant que nos projections catastrophistes sont des pensées et non la réalité. Il faut aussi ne pas oublier qu’il existe toujours des solutions, et surtout se donner le temps de changer, de forger ses propres outils : à chacun sa manière de neutraliser le catastrophisme. Comme je le disais plus haut, on ne peut pas réduire la portée des pensées automatiques d’un coup, il faut du temps, de la patience, de la bienveillance envers soi-même. Vous êtes sujet à ce type de distorsion ? Le catastrophisme impacte votre quotidien et votre quiétude mentale ? N’hésitez pas à consulter un psychologue pour en parler ; il saura vous conseiller et vous accompagner.

Pin It on Pinterest

Share This