Burn-out, harcèlement, perte de sens, stress chronique… Le monde du travail connaît une vague silencieuse mais massive de souffrances psychiques. Derrière ces symptômes, un concept fondamental — souvent mal compris ou ignoré : les risques psychosociaux (RPS). Encore trop de salariés découvrent ces notions après avoir sombré. Or, bien informé·e, on peut prévenir, alerter, se protéger. Explications.
Qu’est-ce qu’un risque psychosocial ?
Commençons par le commencement à savoir une définition. Les risques psychosociaux désignent les situations professionnelles qui génèrent :
- du mal-être,
- de la souffrance psychique,
- de l’épuisement,
- des troubles physiques ou sociaux
chez les personnes exposées.
Selon l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), les RPS recouvrent le stress, la violence interne (harcèlement moral ou sexuel, conflits…) et la violence externe (agressions, incivilités, menaces…).
J’insiste sur ce point : les RPS ne relèvent donc pas d’une pathologie personnelle, mais d’un déséquilibre dans les conditions ou l’organisation du travail.
Ce que dit la loi : les obligations de l’employeur
Il existe pourtant un cadre législatif très spécifique. En France, le Code du travail impose à l’employeur une obligation légale de protection de la santé physique et mentale des salariés (article L4121-1).
Il doit :
- évaluer les risques professionnels, y compris psychosociaux ;
- mettre en place des actions de prévention adaptées ;
- former et informer les salarié·es sur ces risques ;
- adapter le travail à l’homme, et non l’inverse.
Depuis 2008, les RPS sont officiellement intégrés dans le Document Unique d’Évaluation des Risques (DUER), obligatoire dans toutes les entreprises.
Le non-respect de ces obligations peut engager la responsabilité civile et pénale de l’employeur, notamment en cas de harcèlement, burn-out ou suicide lié au travail.
Les facteurs qui favorisent les RPS
Pourtant les RPS demeurent et ils ne tombent pas du ciel. Ils apparaissent souvent dans des environnements où les conditions de travail sont dégradées ou instables. Parmi les causes récurrentes, on trouve :
- Une charge de travail excessive ou mal répartie ;
- Un manque d’autonomie dans les tâches ;
- Des relations hiérarchiques tendues, floues ou abusives ;
- Une absence de reconnaissance ou de feedback ;
- Des changements organisationnels mal accompagnés ;
- Un conflit entre les valeurs personnelles et les missions professionnelles ;
- Une insécurité de l’emploi (contrats précaires, restructurations) ;
- Des objectifs contradictoires ou mal définis ;
- Des pressions constantes sans ressources suffisantes.
Autrement dit, les RPS prolifèrent dans les entreprises où l’humain devient une variable d’ajustement.
Des symptômes concrets, des formes multiples
Autre point à prendre en compte : il n’existe pas un RPS, mais une constellation de situations délétères, parfois banalisées ou invisibles, qui peuvent évoluer insidieusement.
Les principales formes de RPS ?
- Le stress chronique : surcharge, pression, objectifs flous ou inatteignables.
- Le burn-out : épuisement physique, émotionnel et mental, perte totale d’énergie et de motivation.
- Le bore-out : sous-charge de travail, ennui profond, sentiment d’inutilité.
- Le brown-out : absurdité perçue du travail, perte de sens, désengagement progressif.
- Le harcèlement moral ou sexuel : violence répétée, isolement, atteinte à la dignité.
- Les conflits éthiques ou de valeurs : situations où les exigences professionnelles vont à l’encontre des convictions personnelles.
Les signaux d’alerte ?
- Troubles du sommeil, fatigue persistante, anxiété diffuse
- Irritabilité, crises de larmes, agressivité inhabituelle
- Isolement, perte d’envie, absentéisme ou présentéisme
- Démotivation, sentiment d’échec, perte de confiance en soi
- Symptômes physiques (maux de dos, migraines, troubles digestifs)
Ces signaux sont à prendre au sérieux, surtout s’ils persistent ou s’aggravent dans le temps.
Que faire quand on se sent en danger psychique au travail ?
Il y a plusieurs étapes à suivre.
1. Reconnaître ce que l’on vit
Mettre un mot sur sa souffrance est souvent le premier pas vers la reconstruction. Non, ce n’est pas “normal” de pleurer en allant travailler. Non, ce n’est pas une faiblesse d’être dépassé·e. C’est un signal.
2. Ne pas rester seul·e
Parler à un collègue, à un représentant du personnel, à un syndicat, ou à un professionnel de santé permet de sortir de l’isolement.
3. Consulter un psychologue du travail
Spécialiste de la souffrance liée au travail, il/elle pourra :
- analyser votre situation,
- poser un cadre de parole sécurisé,
- proposer des stratégies d’ajustement ou d’action,
- accompagner un arrêt, une reprise, une réorientation.
4. Activer les recours si nécessaire
En cas de harcèlement ou de danger grave, il est possible de :
- alerter la médecine du travail,
- faire appel au CSE (Comité social et économique),
- saisir l’Inspection du travail,
- engager une procédure (prud’hommes, pénal, etc.).
Mieux travailler, c’est possible
Les RPS ne sont pas une fatalité. De nombreuses entreprises repensent aujourd’hui leur organisation pour protéger la santé mentale de leurs salarié·es : management bienveillant, charge de travail régulée, autonomie accrue, droit à la déconnexion, etc.
Mais cela ne peut fonctionner que si les individus sont informés, écoutés, reconnus. Et s’ils savent qu’ils ont le droit – et les moyens – d’agir.
En résumé :
- Les RPS sont une réalité grave, mais évitable.
- Ils ne relèvent pas d’une fragilité individuelle, mais d’un dysfonctionnement organisationnel.
- Ils peuvent être prévenus, détectés et traités.
- En parler, c’est déjà se protéger.
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