« La meilleure condition de travail, c’est les vacances ».
Jean-Marie GOURIO
Une fois de plus, l’auteur des célébrissimes Brèves de comptoir trouve les mots justes pour exprimer l’intérêt réel des vacances. Cela vaut particulièrement pour le psychologue… et ses patients. Explications.
« Vacances » ou « vacation » ?
Quand j’ai commencé à travailler comme psychologue en libéral, je me suis posé la question : dois-je prendre des vacances ? Sous-entendu, en ai-je le droit, la capacité financière, alors que je commence mon activité ? Syndrome du pratiquant débutant ? Très vite, la réalité m’a rattrapé : après six mois de consultations, j’étais à plat. Physiquement, émotionnellement, mentalement. Or un psychologue épuisé n’est pas un psychologue efficace : il a moins d’écoute, moins de patience, moins de recul, moins de distance. Par la force des choses, j’ai donc dû prendre deux semaines de vacances, pour éviter le burn-out qui guettait (étant formé à la psychologie au travail, je connais les signes avant-coureurs, et j’en cochais alors un bon nombre).
Fort de cette première expérience et peu désireux de me retrouver de nouveau dans cet état, j’ai réfléchi à instaurer un rythme de repos régulier. La culpabilité a refait surface, jusqu’à ce que je mette mon nez dans le sens de ce terme, son étymologie. En latin, « vacare » veut dire « être libre », ce verbe a inspiré les mots « vacances » mais aussi « vacation » ou « temps consacré à l’examen d’une affaire ou à l’accomplissement de certaines fonctions » selon le Larousse. C’est ainsi que mes vacances sont devenues des vacations, une période nécessaire pour recharger mes batteries de psychologue et reprendre ma mission en pleine forme pour le bien de ma patientèle.
Des vacances pour s’occuper de soi
Mais encore ? D’aucuns assimileront « vacances » avec « fainéantise », « paresse », « luxe », se prélasser sur une plage sous le soleil des Tropiques et l’ombrage des cocotiers. À moins qu’il ne s’agisse d’aller écumer les grandes métropoles internationales, faire du shopping à Londres, les musées new-yorkais ? Non, les vacances en mode vacations, si elles doivent vider la tête, ne sont pas pour autant des éloignements. Il s’agit avant tout de s’occuper de soi, de son corps comme de son esprit :
- se reposer, faire la sieste (petit clin d’œil à Cataraxie, véritable apôtre de la sieste comme arme absolue contre le burn-out), un peu de sport, de la marche… ou ne rien faire ;
- mieux se nourrir, rééquilibrer ses repas ;
- s’aérer la tête par des lectures, la visite de musées, le visionnage de films, de séries, de pièces de théâtre ;
- rompre avec les réseaux sociaux, internet, bref se désintoxiquer de la présence numérique, autant que faire ce peut ;
- changer de rythme, donc de routine afin de relâcher la pression.
Les devoirs de vacances du psy ?
Bref, il s’agit de débrancher, de faire une pause… ce qui n’empêche pas certains devoirs de vacances. Cette parenthèse offre plusieurs avantages par rapport à ma pratique :
- je peux me plonger dans certaines études et ouvrages pour me tenir au courant de l’actualité en matière de psychologie, ou de m’informer plus à fond sur de nouvelles techniques thérapeutiques ;
- c’est l’occasion d’interroger et de repenser mon organisation de travail, mes objectifs, ma méthodologie, de ranger mon bureau, mettre mes fiches au clair ;
- c’est aussi l’opportunité de prendre du recul sur le cas de certains patients, de réfléchir à d’autres manières d’aborder leur cas, de les épauler, notamment parce qu’on aborde une nouvelle étape de leur progression.
Des vacances pour le psy… et le patient !
Et c’est là un point important : les vacances du psy doivent constituer une opportunité de progression aussi pour les patients.
- Il faut bien sûr les avertir suffisamment à l’avance, par courtoisie d’une part, mais aussi pour faire le point avec chacun : il y a « vacances » et « vacance » : or un patient ne doit pas se retrouver complètement perdu, confronté au vide. Certains auront besoin de parades pour gérer cette phase, d’autres devront être adressés à des confrères, notamment dans le cadre des thérapies asynchrones à distance.
- Pour ceux qui choisissent de tenter cette période en solo :
- cela peut constituer l’occasion de se reposer au fil d’une thérapie intensive ; les patients aussi peuvent être épuisés par un processus exigeant et ils sont contents de faire un petit break.
- on peut alors mettre en place un petit programme de réflexion : évaluer les progrès effectués sur la séquence précédente, mesurer ses acquis, se projeter dans la suite de la thérapie.
- c’est aussi l’occasion de mettre en pratique les outils fournis au quotidien, un peu comme une sorte de test grandeur nature.
- pour certains, c’est le coup de pouce qui permet de mettre fin à la thérapie.
Ces vacances à intervalles réguliers offrent une respiration nécessaire pour tous ; elle me permet de ressourcer ma pratique tout en donnant l’occasion au patient de se distancer sur son évolution. De fait, les vacances, comme disait Gourio au début de cet article, sont une partie intégrante de ce travail de résilience partagée.
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