Il y a peu, j’évoquais mon parcours de soin idéal. Et j’évoquais alors les collaborations à mettre en place entre les différents professionnels de santé. Parmi ces spécialistes, il m’arrive parfois de travailler avec des psychologues experts de l’EMDR. Ce qui m’amène à faire un point sur cette thérapie spécifique. De quoi s’agit-il ? Quelle en est l’utilité ?

EMDR : définition et genèse

EMDR : c’est l’acronyme de Eye Movement Desensitization and Reprocessing, désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires, en français dans le texte. Cette méthode intervient dans le traitement des troubles liés aux expériences traumatisantes, notamment le stress post-traumatique. Elle a été initiée par la psychologue américaine Francine Shapiro dans les années 80 ; cette dernière a découvert le potentiel thérapeutique des mouvements oculaires bilatéraux en observant les effets de ces mouvements sur ses propres pensées et émotions. La chose a eu lieu de manière assez étonnante : alors atteinte d’un cancer, Shapiro se promenait dans un parc quand elle a réalisé qu’à force de balayer le paysage du regard, elle arrivait à calmer l’anxiété liée à sa maladie.

Cette prise de conscience a bouleversé sa carrière ; doctorante en littérature, elle change radicalement de voie en passant un doctorat de psychologie clinique qui lui ouvre les portes de la recherche. Objectif : développer cette thérapie dont elle a senti le potentiel. Ce qu’elle fera, publiant plusieurs ouvrages sur le sujet (quelques exemples traduits dans la langue de Molière : Des yeux pour guérir, Manuel d’EMDR, Dépasser le passé. Se libérer des souvenirs traumatisants avec l’EMDR), intégrant par ailleurs plusieurs institutions prestigieuses : le Mental Research Institute à Palo Alto en tant que chercheuse (elle y travaille avec des vétérans du Vietnam pour parfaire sa pratique), EMDR Institute de Watsonville comme directrice, Trauma Recovery EMDR Humanitarian Assistance Programs dont elle est la fondatrice et la présidente émérite. Passons sur les prix et distinctions, Award for Distinguished Scientific Achievement in Psychology et autres prix Sigmund Freud qui couronnent son travail.

EMDR : principe et usage

Reconnue par l’OMS, l’INSERM, la Haute autorité de santé, l’EMDR a déjà profité à des millions de patients. Son principe fondamental ? Aider les individus à traiter les souvenirs traumatisants de manière adaptative, en facilitant le traitement de l’information par le cerveau. Pendant les séances d’EMDR, le thérapeute guide le patient à travers l’exploration d’une mémoire douloureuse tout en facilitant des mouvements oculaires bilatéraux synchronisés, (le patient suit du regard les doigts du thérapeute). Ces stimulations sont destinées à reproduire le processus naturel de traitement de l’information qui se produit durant le sommeil paradoxal. On peut aussi utiliser des stimuli sonores ou tactiles alternés. L’objectif est dans tous les cas de permettre au cerveau de réorganiser les souvenirs traumatiques de manière à réduire leur charge émotionnelle négative.

Aujourd’hui, l’EMDR intervient dans le traitement de tout un ensemble de troubles liés au stress.

  • Troubles de stress post-traumatique (TSPT) consécutifs à des événements traumatisants tels que des accidents, des agressions, des catastrophes naturelles ou des expériences de guerre.
  • Traumatismes simples, par exemple des accidents de voiture.
  • Troubles anxieux et phobies.
  • Deuil et perte, en particulier lorsque des souvenirs traumatiques interfèrent avec le processus de deuil normal.
  • Troubles de l’humeur, dépression.

EMDR : un protocole précis

L’EMDR peut être utilisé comme une approche autonome ou intégré à d’autres modalités de psychothérapie, en fonction des besoins spécifiques du patient. Dans tous les cas, cette thérapie suit un protocole précis dont voici les fondamentaux.

  • Avant de commencer le traitement, le thérapeute effectue une évaluation approfondie de l’histoire clinique du patient, de ses symptômes et de ses objectifs thérapeutiques. Cette évaluation permet de déterminer si l’EMDR est approprié et comment il peut être intégré dans le plan de traitement global.
  • A ce titre, le praticien va devoir expliquer à son patient de quoi il s’agit exactement, et combien cette méthode peut s’avérer éprouvante au niveau émotionnel. Comme dans toute psychothérapie, il est essentiel d’établir une relation de confiance : dans le contexte de l’EMDR, le patient va être amené à revisiter des souvenirs douloureux, il doit avoir confiance en son psychologue.
  • Avant d’entamer le traitement proprement dit, le thérapeute travaille avec le patient pour renforcer ses mécanismes de coping et ses ressources internes. Ceci vise à garantir que le patient est suffisamment préparé pour aborder les souvenirs traumatisants.
  • Il va aussi falloir mesurer le niveau de détresse lié au traumatisme. Il faut se concentrer sur des images représentant l’événement traumatique, une idée négative qui s’y rattache, une pensée positive qui pourrait s’y substituer. Le processus vise à faciliter le traitement adaptatif de l’information en permettant au cerveau de réorganiser la façon dont les souvenirs sont stockés et émotionnellement traités.
  • Le patient va être guidé par le thérapeute pour se concentrer sur des souvenirs spécifiques liés au trauma tout en suivant des mouvements oculaires bilatéraux ou d’autres formes de stimulations alternées. Le but est d’obtenir une désensibilisation progressive, puis un nouvel ancrage en associant une idée positive avec le souvenir de l’événement traumatisant.
  • Après le traitement des souvenirs ciblés, le thérapeute aide le patient à intégrer les changements positifs survenus pendant les séances d’EMDR dans sa vie quotidienne. Des évaluations régulières sont effectuées pour mesurer les progrès et ajuster le traitement si nécessaire.

EMDR : limites et précautions

Efficace, l’EMDR est une thérapie exigeante. Il est important qu’elle soit administrée par un professionnel de la santé mentale formé, certifié, par exemple accrédité par les associations EMDR-France et EMDR-Europe. Car elle implique plusieurs limites.

  • Il faut bien une dizaine de séances en moyenne pour qu’elle soit effective.
  • L’EMDR peut engendrer un inconfort oculaire, des nausées liées au mouvement des yeux.
  • On peut ressortir d’une séance avec le sentiment d’avoir revécu le traumatisme qu’on cherche à neutraliser.
  • Une séance d’EMDR peut générer un état dissociatif passager, une déconnexion de la réalité.
  • Une séance d’EMDR peut déclencher un état de vulnérabilité, de déstabilisation, de désorientation, le patient peut être totalement submergé par les émotions, ce qui peut transparaître dans des rêves perturbants.
  • Chaque séance peut s’accompagner d’un effet rebond : fatigue physique et émotionnelle, mal-être général, angoisse latente… Les symptômes liés au trauma peuvent alors réapparaître, parfois amplifiés.
  • L’EMDR est déconseillé quand le patient est encore exposé à la cause du trauma, par exemple un employé qui subit de la violence psychologique dans le cadre de son travail et qui est toujours en poste dans son entreprise.
  • L’EMDR est contre-indiquée pour traiter :
    • les traumas complexes ou anciens, qui touchent à notre personnalité, notre enfance.
    • Les troubles dissociatifs.

Bref, il ne faut pas faire n’importe quoi avec l’EMDR. Cette pratique doit être encadrée par un spécialiste avéré, dans le cadre d’un parcours thérapeutique sérieux, appuyé par un psychiatre, un psychologue. Le patient doit être évalué et informé avant de commencer la thérapie, qui doit se dérouler dans une atmosphère de confiance et de dialogue avec les différents praticiens qui associent leurs savoir-faire pour améliorer sa santé mentale.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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