Attendre un enfant, donner la vie, devenir parent : autant d’étapes profondément bouleversantes sur les plans physique, émotionnel et identitaire. Pourtant, le suivi psychologique autour de la maternité reste souvent secondaire, minimisé, voire négligé dans le parcours de soins. Il joue néanmoins un rôle fondamental dans la prévention des troubles psychiques, le soutien à la parentalité et la préservation de la santé mentale de toute la famille.

La période périnatale : un bouleversement majeur

Le terme périnatal désigne l’ensemble de la période entourant la grossesse et la naissance. Cette période se décompose en trois phases distinctes :

  • Le prénatal ou pré-partum (grossesse)
  • L’accouchement
  • Le postnatal ou post-partum (semaines et mois suivant la naissance)

Chaque phase est marquée par des transformations hormonales, corporelles et psychiques majeures. La période périnatale représente ainsi un moment de grande vulnérabilité psychique, mais aussi d’immense plasticité : c’est une phase de remaniements profonds où l’identité se reconstruit, où les liens se tissent, et où l’histoire familiale se réécrit.

Le suivi psychologique pendant la grossesse : anticiper plutôt que réparer

La grossesse n’est pas seulement une expérience physiologique : c’est un processus psychique complexe qui peut raviver ou faire émerger différentes fragilités.

Ce qui peut surgir pendant la grossesse ?

  • Des anxiétés multiples : peur de l’accouchement, inquiétudes sur sa capacité à être parent, craintes liées au bébé ou à la santé
  • Des traumatismes non élaborés : violences passées, deuils périnataux antérieurs (fausses couches, IVG, mort in utero), difficultés dans l’enfance
  • Une ambivalence souvent taboue : ne pas se sentir à la hauteur, ne pas « aimer » être enceinte, ambivalence vis-à-vis du bébé
  • Des troubles de l’humeur : syndromes dépressifs ou anxieux masqués, parfois préexistants et réactivés

Les bénéfices d’un accompagnement précoce

Un suivi psychologique pendant la grossesse permet :

  • D’exprimer librement des ressentis parfois contradictoires, sans culpabilité ni jugement
  • De travailler les représentations liées à la parentalité et au bébé imaginaire
  • D’identifier les facteurs de vulnérabilité pour adapter le suivi post-natal
  • De prévenir efficacement les troubles du post-partum et les difficultés d’attachement

Le post-partum : une période à haut risque psychique

Après la naissance, l’équilibre physique et psychique est mis à rude épreuve. Cette période, souvent idéalisée, peut se révéler particulièrement éprouvante.

Les défis du post-partum ?

  • Fatigue intense et épuisement chronique
  • Douleurs corporelles (épisiotomie, césarienne, allaitement)
  • Surcharge émotionnelle et mentale (charge mentale, organisation)
  • Fluctuations hormonales brutales
  • Sentiment d’isolement, perte de repères identitaires
  • Écart entre les attentes et la réalité de la parentalité

Les troubles psychiques du post-partum ? Des données préoccupantes.

La réalité des chiffres contraste fortement avec l’image de la « maternité heureuse » véhiculée socialement :

Le baby blues touche environ 50 à 80 % des mères dans les premiers jours suivant l’accouchement selon le site Ameli. Transitoire (quelques jours), il se caractérise par une hypersensibilité émotionnelle, des pleurs faciles et une labilité de l’humeur. Il ne nécessite généralement qu’un soutien et une information, mais doit être surveillé.

La dépression du post-partum (DPP) est beaucoup plus grave. Selon les données de l’Enquête nationale périnatale 2021 menée par Santé publique France, 16,7 % des mères présentent une dépression deux mois après l’accouchement, soit près d’1 femme sur 6. Ce trouble peut perdurer plusieurs mois, voire années s’il n’est pas pris en charge. Il se manifeste par :

  • Une tristesse persistante, un sentiment de vide
  • Une perte d’intérêt et de plaisir (anhédonie)
  • Des troubles du sommeil (au-delà de la fatigue normale)
  • Des pensées négatives, une dévalorisation massive
  • Des difficultés à s’occuper du bébé ou au contraire une hypervigilance épuisante
  • Dans les cas les plus sévères, des idées suicidaires

Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) lié à l’accouchement concerne entre 3 et 6 % des femmes après un accouchement selon une étude parue dans la revue scientifique Gynécologie Obstétrique Fertilité et Sénologie. Il peut survenir après un accouchement vécu comme traumatisant (sensation de mort imminente, violence médicale ressentie, complication grave, césarienne en urgence). Les symptômes incluent :

  • Des reviviscences (flashbacks, cauchemars)
  • Un évitement des situations rappelant l’accouchement
  • Une hypervigilance anxieuse
  • Des perturbations émotionnelles et cognitives durables

En quoi consiste un accompagnement psychologique périnatal ?

Le suivi psychologique périnatal offre un espace thérapeutique adapté aux enjeux spécifiques de cette période. Il peut prendre différentes formes selon les besoins :

Un espace d’écoute et d’élaboration

  • Accueil sans jugement des émotions ambivalentes (joie, peur, colère, déception, culpabilité)
  • Verbalisation des difficultés souvent tues par peur du regard social
  • Élaboration des représentations liées à la parentalité, au bébé, à sa propre enfance

Un dispositif de prévention

  • Repérage précoce des vulnérabilités psychiques
  • Prévention des troubles de l’attachement pour sécuriser la relation parent-enfant
  • Orientation vers des soins spécialisés si nécessaire (psychiatrie périnatale, unité mère-bébé)

Un soutien au processus de parentalité

  • Accompagnement de la transition identitaire : du « je » au « nous », de la personne au parent
  • Soutien à la conjugalité : réaménagement du couple face à l’arrivée de l’enfant
  • Renforcement des compétences parentales et de la confiance en soi

Des modalités variées

Le suivi peut s’organiser de plusieurs manières :

  • Entretiens individuels ponctuels ou suivis réguliers
  • Thérapie de couple incluant la dimension parentale
  • Groupes de parole entre parents
  • Consultations parents-bébé pour travailler l’interaction

Pourquoi il est essentiel d’en parler

Le but est de briser le mythe de la maternité instinctive et heureuse. Le poids des représentations sociales reste considérable. L’injonction à la « mère parfaite », épanouie et comblée par son bébé, empêche de nombreuses femmes de reconnaître leur souffrance et de demander de l’aide. La culpabilité, la honte et la peur d’être jugée comme une « mauvaise mère » constituent des freins majeurs à la consultation.

Or ne pas se sentir instantanément comblée, éprouver des difficultés, ressentir de l’ambivalence n’a rien d’anormal. Ce sont des expériences humaines légitimes qui méritent d’être entendues et accompagnées.

Prévenir plutôt que réparer

Les troubles non traités du post-partum ont des conséquences durables :

  • Sur la santé mentale maternelle (chronicisation de la dépression, troubles anxieux)
  • Sur le développement de l’enfant (troubles de l’attachement, retentissement sur le développement cognitif et émotionnel)
  • Sur la dynamique familiale (tensions conjugales, épuisement parental)
  • Sur les grossesses ultérieures (augmentation du risque de récidive)

L’intervention précoce est déterminante : plus le trouble est identifié tôt, meilleur est le pronostic.

Reconnaître le suivi psy comme un soin à part entière

Le suivi psychologique périnatal n’est ni un luxe réservé à quelques-uns, ni un aveu de faiblesse ou d’incompétence parentale. C’est un acte de soin préventif et thérapeutique, au même titre que le suivi médical de la grossesse ou les consultations pédiatriques.

Ce qu’il faut retenir ?

Accueillir un enfant, c’est traverser un bouleversement intérieur majeur. Être soutenu psychologiquement pendant cette période permet de mieux vivre la transition, de renforcer le lien avec le bébé, de préserver sa santé mentale et celle de toute la famille.

Si vous êtes enceinte ou jeune parent et que vous ressentez des difficultés – même si elles vous semblent « mineures » ou honteuses – n’hésitez pas à en parler à un professionnel. Il n’y a pas de « petite » souffrance en périnatalité, et il n’est jamais trop tard pour demander de l’aide.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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