Santé mentale, grande cause nationale de 2025 ? Les actualités font écho à l’annonce émise par notre nouveau Premier ministre lors du JT de 20 heures le 22 septembre 2024 sur France 2. Hausse majeure des troubles psychiques, crise du secteur psychiatrique, les chiffres sont alarmants si l’on en croit le site Handicap.fr :
- « 3 millions de personnes, soit une sur cinq, présentent des troubles psychiques (dépression, troubles anxieux, alimentaires, bipolaires, schizophréniques, etc.) dont trois millions considérés comme « sévères » ;
- « Selon une étude de Santé publique France publiée fin 2023, près de 21 % des 18-24 ans vivent avec des troubles dépressifs, contre 11,7 % en 2017. »
Cette explosion est d’autant plus inquiétante que la santé mentale est encore tabou. À ce silence, plusieurs raisons profondément enracinées dans les perceptions culturelles, sociales et historiques de notre civilisation. Plusieurs raisons qu’il convient de mettre en lumière afin d’entamer le travail de prise de conscience nécessaire pour lutter contre ce fléau.
Manque de connaissance et d’éducation
Historiquement, les troubles mentaux ont des siècles durant été mal appréhendés, analysés et pris en charge. Considérés dans leur globalité comme des maladies incurables, ils impliquaient une mise en retrait de la vie sociale, une réclusion la plupart du temps forcée. Les personnes atteintes étaient traitées de manière inhumaine : il suffit d’évoquer les asiles du temps jadis, les camisoles de force, les mises en cage, les douches glacées et autres électrochocs pour s’en convaincre.
Incompréhension, peur, honte : cette histoire sombre contribue encore aujourd’hui à la perception négative des maladies mentales. De nombreuses idées fausses circulent, ainsi la conviction que les troubles mentaux ne sont pas des « vrais » problèmes de santé ou qu’ils peuvent être surmontés simplement par la volonté. Cette ignorance, renforcée par l’absence d’une éducation digne de ce nom, contribue au maintien de la stigmatisation. Ne pas savoir identifier et gérer les problèmes de santé mentale, renforce le tabou.
Stigmatisation sociale et culture du silence
Comme je l’écrivais quelques lignes plus haut, dans de nombreuses cultures, les problèmes de santé mentale sont souvent perçus comme une faiblesse personnelle ou un manque de volonté. Les personnes souffrant de troubles mentaux peuvent être vues comme « fragiles », « incapables », ce qui décourage la discussion ouverte sur ces sujets. La peur de l’exclusion est réelle, pesante : les malades craignent d’être rejetés, ostracisés, discriminés ; ils évitent donc de parler de leurs problèmes mentaux pour ne pas risquer d’être mal perçus ou marginalisés.
Pour maintenir une image publique de « force » et de « succès », on tait les luttes mentales qu’on mène avec d’autant plus de difficultés, dans une culture du silence effrayante. Le souci de l’apparence sociale, la peur de perdre son travail vont enclore la communication dans l’obligation de conserver ces problèmes dans la sphère privée. Les personnes concernées craignent pour la continuité et l’évolution de leur carrière : elles redoutent d’être mal comprises et jugées par les collègues, les amis, la famille, d’où leur silence persistant sur les questions de santé mentale.
Normes de genre et manque de ressources
J’ai déjà eu l’occasion d’écrire sur cette problématique. Perçues comme plus « émotives », les femmes sont éduquées selon des normes qui les encouragent à supporter en silence leurs problèmes pour maintenir l’harmonie familiale ou sociale : elles taisent donc leurs souffrances psychiques, en amoindrissent par exemple l’impact en évoquant les douleurs plus importantes et graves d’autres personnes. Les hommes sont aussi concernés, mais d’une autre manière. La société valorise souvent la force, la rationalité et l’invulnérabilité masculine : dans cette perspective, avouer des problèmes de santé mentale, c’est confesser une faiblesse inacceptable.
Il est d’autant plus difficile d’évoquer la chose, qu’on ne peut mettre des mots dessus. L‘accès à des services de santé mentale de qualité est de plus en plus limité, ce qui peut dissuader les gens de parler de leurs problèmes s’ils n’ont pas les moyens de les traiter. La méfiance envers les professionnels de la santé mentale en particulier et le système de santé global en général n’invite guère à se livrer, à faire confiance, à briser le tabou.
Connaître ces différents paramètres, c’est déjà faire un premier pas dans l’érosion d’un interdit vieux de plusieurs siècles. C’est accomplir le premier acte de pédagogie nécessaire à une compréhension plus fine, plus juste des troubles mentaux.
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