Les troubles du comportement alimentaire sont nombreux : si l’anorexie, la boulimie et l’hyperphagie sont les plus connues, on peut aussi évoquer la néophobie ou la peur d’ingérer des aliments nouveaux, la cibophobie ou l’angoisse de faire une intoxication ou une allergie alimentaire. L’orthorexie, quant à elle, désigne l’obsession de manger sain. De quoi s’agit-il exactement ? Comment cela se traduit-il ?
L’obsession d’une alimentation saine
Issu des termes grecs « ortho », correct et « orexie », appétit, le terme « orthorexie » désigne selon l’ANEB Quebec « un comportement névrotique caractérisé par l’obsession d’une alimentation saine». Cela implique à la fois la volonté de manger des produits de très bonne qualité tout en rejetant systématiquement tout ce qu’on considère comme mauvais et dangereux. Précisons qu’il ne s’agit pas ici d’une allergie ou d’une intolérance médicalement avérée, mais bien d’un trouble du comportement alimentaire, pouvant entraîner malnutrition, amaigrissement, affaiblissement, troubles de l’humeur et du sommeil, anxiété chronique, isolement social, dépression.
Initié en 1997 par le médecin américain Steven Bratman qui souffrait lui-même de ce problème, ce trouble alimentaire n’est pourtant pas reconnu comme tel par le corps médical, et n’est pas inscrit dans le DSM-5 ( le Manuel Diagnostique et Statistique des troubles mentaux) ni dans la CIM-10 (Classification Internationale des Maladies). Il n’en demeure pas moins que le nombre de personnes présentant, ce type de peur est en hausse : en 2017, il touchait 2 à 3 % de la population. Un chiffre en voie d’augmentation, dans une période où l’on prend douloureusement conscience des aléas de la filière agro-alimentaire ?
Les symptômes d’une angoisse constante
Vache folle, viande rouge cancérigène, viande aux hormones, OGM, usage de conservateurs chimiques, les scandales sont récurrents, de même la sensibilisation à la malbouffe et ses retombées au niveau de la santé. Campagnes d’information, relais dans les médias et sur les réseaux sociaux, influenceurs spécialisés, aujourd’hui, l’adage « cinq fruits et légumes par jour » est connu de tous. S’alimenter mieux pour rester en bonne santé : quoi de plus normal, de plus logique ? Les problèmes surgissent quand cela devient obsessionnel au point d’entraver la vie quotidienne et de mettre en péril son équilibre physique et mental. Car l’orthorexie suppose des symptômes spécifiques assez frappants, qui résultent d’une angoisse constante liée à la peur d’ingérer une alimentation malsaine.
Parmi ces signes, on trouve :
- le décryptage obsessionnel des aliments et de leur composition
- la sélection rigoureuse de produits labellisés sains et bio
- le temps excessif de préparation de ces aliments suivant des critères spécifiques
- le refus catégorique d’ingérer toute préparation considérée comme dangereuse
- la panique et le sentiment de culpabilité qui suit toute absorption accidentelle d’un plat jugé à risques
- la prise de compléments alimentaires pour compenser les manques, le recours au jeûne et aux purgations
- le refus systématique de manger dans un restaurant ou chez des amis
- l’absence de plaisir gustatif, l’abandon de plats favoris pour préférer des préparations jugées « plus saines ».
Sortir du labyrinthe de l’orthorexie
Difficile de ne pas se reconnaître dans cette liste ? Aujourd’hui, nous sommes tous sensibles à la question d’une alimentation saine, de bonne qualité, respectueuse de l’humain et de la planète. Qui n’a pas culpabilisé en craquant sur un sachet de chips, un paquet de bonbons, une bonne raclette ? C’est bien là tout le problème, alimenté par un marketing féroce, aussi bien de la part des marques alimentaires classiques que des enseignes bio, gluten free, vegan… Qu’est-ce que bien manger ? A quel moment ce que je mange devient dangereux ? Vaste question. L’orthorexie n’arrive ni par hasard ni d’un coup.
C’est une logique qui se met progressivement en place, une spirale qui découle d’un besoin, réel ou imaginaire : perdre du poids principalement, vouloir préserver son corps. Les diktats esthétiques jouent beaucoup, ce n’est pas un hasard si les personnes majoritairement touchées sont des femmes, jeunes ou quinquagénaires. Mais cela peut aussi être une peur de l’empoisonnement alimentaire, distillée par les nombreux scandales de ces dernières années, et le doute lié à la qualité des produits. Au centre de ce trouble, la question de l’image de soi, mais aussi le besoin de pureté et de contrôle, la peur du manque et de l’excès, le jugement d’autrui également.
Pour sortir de ce labyrinthe, il faut avant tout réaliser qu’on y est entré. C’est la première étape à franchir et cela suppose d’en avoir pris conscience avec un médecin qui cible l’état de santé, mais aussi avec un psychologue. Il faudra décrypter comment cette spirale s’est mise en place, les schémas qu’elle implique, questionner ces peurs, saisir à quel manque elles correspondent. Et puis il faudra trouver des parades, des outils. Une thérapie cognitivo-comportementale peut aider, en parallèle avec le recours à un nutritionniste. Dans tous les cas, il convient d’être accompagné par des professionnels, pour retrouver du sens et de la mesure.
L’orthorexie n’est pas anodine, elle engendre de la souffrance mentale, et peut se transformer en un trouble du comportement alimentaire beaucoup plus impactant. Si cet article vous parle, que vous pensez être dans cette situation, n’hésitez pas à me contacter pour en discuter.