Le mot circule de plus en plus : sur les réseaux, dans les médias, en consultation… On se dit “neuroatypique”, on parle de “neurodiversité”, d’“esprit différent”, parfois même de “super-pouvoirs” cognitifs. Mais que recouvre réellement le terme neuroatypique ? Est-ce un diagnostic médical ? Une mode ? Une façon de se définir dans un monde trop normé ? Et surtout : en quoi cela change-t-il concrètement le rapport à soi, aux autres, au travail, à la société ?
Neuroatypique : un terme inclusif
Le terme neuroatypique désigne une personne dont le fonctionnement cognitif, émotionnel ou sensoriel s’écarte des normes statistiques ou comportementales dites “neurotypiques”.
Autrement dit, un·e neuroatypique perçoit, pense, ressent, agit ou traite l’information différemment de la majorité. Cela peut concerner :
- la mémoire,
- l’attention,
- le traitement sensoriel,
- la régulation émotionnelle,
- les interactions sociales…
ATTENTION : ce n’est pas un diagnostic médical, mais un terme inclusif utilisé pour regrouper différentes réalités neuropsychiques.
Une expression parapluie
Il faut bien comprendre que la neuroatypie est un terme parapluie, qui regroupe des profils cliniques très variés, souvent reconnus comme troubles dans les classifications médicales (DSM-5, CIM-11), mais aussi des différences de fonctionnement qui ne sont pas toujours pathologisées.
Les profils les plus fréquemment concernés sont les suivants :
- Autisme (TSA, avec ou sans déficience intellectuelle)
- TDAH (trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité)
- Dys (dyslexie, dyspraxie, dyscalculie, dysorthographie, etc.)
- HPI (haut potentiel intellectuel)
- TOP (trouble oppositionnel avec provocation)
- Tic/Tourette
- Et parfois les troubles anxieux sévères, hypersensibilité sensorielle, troubles de la régulation émotionnelle, troubles dissociatifs, etc.
Précision : Tous les neuroatypiques ne sont pas forcément en souffrance, mais beaucoup rencontrent des difficultés d’adaptation dans un monde pensé pour les cerveaux dits “neurotypiques”.
Comment cela se traduit-il au quotidien ?
La neuroatypie n’est pas visible extérieurement, mais elle peut impacter fortement la vie quotidienne. Cela se traduit de différentes façons. Voici quelques exemples concrets pour éclairer votre lanterne :
- Une fatigue intense après des interactions sociales ;
- De la difficulté à filtrer les stimulations (bruits, lumières, mouvements) ;
- L’hyperfocus sur un sujet… ou au contraire une dispersion totale ;
- Le besoin de rituels, de routines, ou au contraire de nouveauté constante ;
- Une gestion émotionnelle intense, décalée ou explosive ;
- Un rejet ou une incompréhension face aux normes implicites sociales ;
- La sensation d’être “à côté”, “trop” ou “pas assez” dans de nombreux contextes.
Cela n’est donc pas visible au premier regard. Nombre de personnes neuroatypiques passent inaperçues dans leur entourage, mais vivent intérieurement une grande tension d’adaptation permanente.
Les idées reçues à déconstruire
Méconnue, la neuroatypie est l’objet de nombreux fantasmes et idées faussées. Quelques exemples :
- « Être neuroatypique, c’est avoir un don » : si certains profils ont des facilités dans des domaines précis, ce n’est pas systémique ni magique.
- « Tout le monde est un peu neuroatypique » : eh bien non ; ressentir du stress ou de la distraction ne fait pas de quelqu’un un TDAH ou un autiste masqué.
- « Les neuroatypiques ne peuvent pas s’adapter » : eh bien si ; beaucoup développent des stratégies très efficaces pour naviguer dans un monde normé, mais cela a souvent un coût invisible (fatigue, anxiété, isolement…).
Quand faut-il s’interroger ?
Neuroatypique mais encore ? Quand faut-il envisager de demander de l’aide ? Voici quelques situations où il peut être utile de consulter un·e psychologue ou neuropsychologue :
- Un sentiment de décalage persistant depuis l’enfance ;
- Une souffrance chronique liée à l’école, au travail ou aux relations ;
- Des difficultés importantes de concentration, de régulation émotionnelle, d’organisation ;
- Une hypersensibilité sensorielle ou émotionnelle envahissante ;
- Des réactions disproportionnées aux changements ou imprévus ;
- Une fatigue sociale intense.
Il ne s’agit donc pas de s’auto-diagnostiquer sur internet ni d’y trouver des solutions, mais de chercher une compréhension de soi plus fine, des outils vraiment efficaces, des stratégies porteuses, notamment quand la souffrance est devenue source de handicap au quotidien.
Comment le diagnostic est-il posé ?
Il n’existe pas de “test de neuroatypie” global. Chaque profil est évalué séparément, selon des critères précis.
La détection se fait en plusieurs temps:
- Un·e neuropsychologue va cerner le profil neuroatypique à l’aide de batteries de tests standardisés, d’entretiens cliniques, d’observations comportementales, de bilans scolaires, etc.
- Le psychiatre va valider cette détection, poser un diagnostic dans le cas du TDAH ou des troubles DYS. Dans certains cas, ce diagnostic peut ouvrir des droits du genre aménagements scolaires (PAP, PPS), reconnaissance de handicap (RQTH), accompagnement en structure spécialisée.
Et après ? Que faire quand on est neuroatypique ?
Le diagnostic (ou l’auto-identification éclairée) n’est pas une étiquette figée, mais un levier de compréhension et parfois de soulagement.
Ce qu’on peut mettre en place :
- Un accompagnement psychoéducatif : comprendre ses fonctionnements, ses limites et ses forces
- Des aménagements de l’environnement (travail, école, domicile)
- Une psychothérapie adaptée (TCC, soutien à l’estime de soi, accompagnement au masquage, guidance parentale, etc.)
- Des outils d’aide à la régulation émotionnelle et sensorielle
- Des groupes de parole ou communautés de soutien
L’objectif n’est pas de “normaliser”, mais d’améliorer la qualité de vie, l’autonomie et la confiance en soi.
Récapitulons. La neuroatypie n’est ni un effet de mode, ni une case à cocher. C’est une réalité vécue, souvent intime, parfois invisible, mais profondément structurante. Mieux comprendre ces fonctionnements “différents” permet non seulement de mieux vivre avec soi-même, mais aussi de faire évoluer les regards, les pratiques, les environnements — pour que la diversité cognitive soit accueillie, soutenue, valorisée. Car il ne s’agit pas de “réparer” des cerveaux qui fonctionnent autrement, mais de construire une société plus inclusive, plus souple, plus humaine.
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