Publié en 1975 chez Grasset, Les mots pour le dire est un récit autobiographique d’une intensité rare. Marie Cardinal y raconte sa propre psychanalyse, entreprise alors qu’elle traversait une période de détresse profonde, mêlant souffrance physique, tourments psychiques et besoin vital de mettre du sens sur ce qu’elle vivait. Ce qui frappe d’emblée, c’est la manière dont elle nomme sa douleur : « la chose ». Un symptôme envahissant, à la fois mystérieux et terrifiant, que la médecine ne parvient pas à soulager. Cette souffrance physique devient le miroir d’un mal-être plus vaste : celui d’une vie marquée par les blessures, le silence et les non-dits.
Quand le corps parle
Le récit s’ouvre sur ce symptôme — des hémorragies inexpliquées — qui incarne un corps en révolte. Cardinal montre combien le corps peut devenir le messager d’une histoire douloureuse que l’esprit n’arrive pas à dire. À travers ses mots, on comprend comment la souffrance psychique peut s’ancrer dans le corps, jusqu’à devenir envahissante.
Face à l’impasse médicale, l’autrice s’engage dans une psychanalyse longue et exigeante : trois séances par semaine, pendant sept ans. Au fil de ce travail, elle revisite ses blessures les plus enfouies : une enfance marquée par une mère autoritaire, des deuils précoces, l’exil algérien. Chaque séance devient une étape pour donner un nom à cette douleur, lui trouver un langage.
L’écriture comme libération
Les mots pour le dire n’est pas seulement le récit d’une cure : c’est aussi une œuvre littéraire qui transforme la douleur en langage. Cardinal y mêle souvenirs, sensations et métaphores, jusqu’à faire émerger une voix féminine puissante, capable de dire ce qui semblait indicible. Écrire devient alors une thérapie parallèle, une manière de se réapproprier son histoire et de transformer le silence en parole.
Bien que je sois psychologue et non psychanalyste, je considère cet ouvrage comme une référence précieuse. Non pas parce qu’il donnerait un « mode d’emploi » de la thérapie, mais parce qu’il témoigne de ce que peut apporter le travail psychologique : mettre des mots sur la souffrance, redonner une voix à ce qui est resté longtemps tu, et rappeler que le corps et l’esprit ne sont jamais séparés.
Pour les patients, ce livre peut être une clé : il montre qu’il est possible de sortir du silence, de donner une forme à sa douleur, et de trouver dans la parole — ou dans l’écriture — un chemin vers la réparation.
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