On sourit, on performe, on s’adapte. On donne le change. Et puis un jour, on ne sait plus ce qu’on ressent vraiment, ni qui l’on est. Ce sentiment diffus de porter un masque en permanence, d’être déconnecté de soi-même, de jouer un rôle en permanence, de ne plus savoir ce qu’on veut ni ce qu’on aime… c’est souvent le signe que le faux-self a pris toute la place. Et cela peut parfois devenir problématique.

Le faux-self ou s’adapter dans des environnements contraignants

Le faux-self, c’est cette partie de nous qui s’ajuste, qui joue un rôle, qui devient ce que les autres veulent voir. Il n’est pas « mauvais » en soi : il sert à s’adapter dans des environnements contraignants. Mais quand il prend trop de place, il peut nous couper de notre vie intérieure. Pour la petite histoire, le concept de faux-self a été développé par le psychanalyste britannique Donald Winnicott dans les années 50, alors qu’il formalise progressivement sa pensée autour du développement émotionnel précoce de l’enfant et de la relation mère-bébé.

Le terme est vraiment précisé dans son article « Ego distortion in terms of true and false self » (1960), publié dans The Maturational Processes and the Facilitating Environment (1965). Winnicott est alors pédiatre et psychanalyste britannique, formé à la Société britannique de psychanalyse, où il côtoie notamment Melanie Klein et Anna Freud (il se situe entre les deux « écoles »). Ses observations cliniques auprès de nourrissons, de jeunes enfants et de leurs mères sont centrales : il insiste sur l’importance de l’« environnement suffisamment bon » (good enough mother) pour permettre au vrai self de se développer.

Le concept de faux self apparaît dans ses textes sur l’adaptation de l’enfant à un environnement qui ne répond pas à ses besoins fondamentaux. Dans ces cas, l’enfant développe une façade de conformité, un masque qui cache son vrai self afin de maintenir le lien vital avec la figure maternelle ou l’environnement. Winnicott décrit donc le faux-self une structure psychique de protection, mise en place très tôt dans l’enfance, pour répondre aux attentes de l’environnement quand celui-ci ne permet pas l’expression authentique du vrai soi.

Une construction dans l’enfance, des effets à l’âge adulte

Pour faire plus court et plus simple, chez l’enfant, le faux-self émerge quand :

  • l’expression des émotions n’est pas accueillie (on doit être sage, fort, parfait…),
  • les besoins sont niés ou incompris,
  • l’amour semble conditionné à la conformité.

L’enfant apprend alors à mettre de côté ses élans spontanés, ses colères, ses tristesses, ses désirs… pour ne pas décevoir. Il devient ce que l’on attend de lui, quitte à renier son vécu émotionnel authentique.

A l’âge adulte, le faux-self peut prendre différentes formes :

  • une hyperadaptation : on réussit, on gère, on fait plaisir… mais sans s’écouter,
  • une difficulté à dire non, à poser ses limites,
  • un sentiment de vide, de décalage intérieur,
  • une incapacité à identifier ses désirs ou émotions réelles.

Bref un vrai piège pour la santé mentale. C’est qu’à force de jouer un rôle pour répondre aux attentes de l’entourage, la personne risque de perdre le contact avec ce qu’elle ressent vraiment. Cela peut sur le long terme fragiliser l’estime de soi et favoriser l’anxiété, la dépression ou encore des troubles relationnels, car l’individu n’agit plus en fonction de ses besoins authentiques mais en fonction d’une image imposée.

Le psychologue face au faux-self

Comprendre et repérer ce fonctionnement, c’est donc prévenir une souffrance psychique qui reste souvent cachée derrière une façade « qui va bien ».

Ainsi, s’intéresser au faux-self est essentiel pour un psychologue, car ce concept permet de comprendre comment le patient a pu ériger une façade pour s’adapter aux attentes des autres, quitte à étouffer ses besoins réels et son identité profonde. Derrière un sourire, une réussite scolaire ou professionnelle, il peut y avoir un sentiment de vide, d’imposture, ou de déconnexion intérieure.

Repérer ce mécanisme, c’est ouvrir la voie à un travail thérapeutique qui aide le patient à retrouver son « vrai self », c’est-à-dire sa spontanéité, ses désirs authentiques, et un sentiment d’existence plus solide et plus libre. Le vrai self désigne la partie de la personne qui naît de ses besoins, de ses émotions et de sa spontanéité. C’est ce qui donne le sentiment d’être soi-même, vivant, créatif, capable d’éprouver du plaisir et d’entrer en relation de manière sincère avec les autres.

Peut-on retrouver son vrai soi ? Oui, mais cela demande du temps et un espace de sécurité psychique. Le travail thérapeutique va se concentrer sur plusieurs points :

  • identifier les mécanismes du faux-self,
  • réhabiliter les émotions censurées,
  • retrouver une écoute intérieure plus fine,
  • se reconnecter à ses envies profondes, à ses besoins réels.

Retrouver son vrai self, ce n’est pas tout changer du jour au lendemain.
C’est se réhabiter doucement, faire un pas de côté, retrouver ce qui vibre — et qui a été mis sous silence trop longtemps.

Le faux-self n’est pas une erreur : c’est une stratégie de survie psychique.
Mais quand il prend toute la place, il devient une prison intérieure.
Le travail thérapeutique permet de retrouver la liberté d’être soi, même imparfait, même vulnérable.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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