J’ai déjà écrit sur ce sujet, c’est même un de mes premiers articles. Il faut dire que la dissonance cognitive est un incontournable en matière de mal-être psychique. On peut en général amoindrir la chose via des stratégies d’adaptation. Mais quelquefois, cela ne suffit pas. D’où cette nouvelle réflexion dans l’air du temps : car durant les fêtes de fin d’année, les dissonances cognitives frappent très fort, dans un contexte d’injonction au bonheur qui sonne faux au regard d’une actualité très dure. Et cela peut s’avérer beaucoup plus douloureux qu’il y paraît de prime abord. Explications.

Dissonance cognitive : théorie et pratique

Avant tout, faisons un point sur la notion de dissonance cognitive. Ce concept de psychologie sociale fait référence à un état de tension ou d’inconfort mental qui résulte de la perception de contradictions ou de conflits entre des croyances, des attitudes ou des valeurs. Lorsqu’une personne éprouve une dissonance cognitive, elle ressent un malaise qui la motive à réduire cette incohérence en modifiant ses convictions ou ses comportements.

Pour la petite histoire, c’est le psychologue américain Leon Festinger qui, à l’orée des années 50, développe cette théorie dans le cadre de ses recherches sur les comportements humains et la manière dont les individus rationalisent et justifient leurs choix. La dissonance cognitive est depuis devenue un élément important de la psychologie sociale et a été largement étudiée pour comprendre comment les individus gèrent les conflits cognitifs dans leur vie quotidienne.

Ok, ça, c’est sur le papier. Mais concrètement ? Une dissonance cognitive, ça ressemble à quoi ?

  • Quelqu’un qui, informé des dangers du tabac et de la junk food, continue pourtant de fumer régulièrement et de s’alimenter de hamburgers, sandwiches, chips, sodas, bonbons et autres ?
  • Une personne qui valorise l’éthique écologique, mais qui travaille pour une entreprise dont les pratiques sont néfastes pour l’environnement ? Un gestionnaire qui défend l’équilibre travail-vie personnelle, mais encourage constamment des heures supplémentaires non rémunérées ?
  • Un individu soucieux de l’environnement, mais qui continue à acheter des produits à usage unique ? Un consommateur qui soutient l’éthique animale, mais qui continue à manger de la viande ?
  • Un progressiste convaincu, pétri de valeurs de tolérance, mais qui soutient des politiques conservatrices et discriminatoires ?

Symptômes et risques

Vous vous reconnaissez dans une de ces situations ? Moi aussi. Eh oui, la dissonance cognitive est notre lot à tous, résumé dans ce « mais qui » répété comme une triste litanie et un inconfort psychique qui peut, si on subit la chose au quotidien, engendrer des comportements assez parlants.

  • On va par exemple être dans la rationalisation constante de ses choix ou de ses actions contradictoires afin de les rendre plus acceptables à ses propres yeux.
  • On va chercher activement des informations ou des arguments qui justifient ou renforcent ses croyances actuelles, même si cela suppose d’ignorer des informations contraires.
  • Une personne en dissonance cognitive peut chercher activement la confirmation de ses croyances auprès d’autres personnes, ignorant ou minimisant les opinions divergentes.
  • On va éviter des situations, des personnes ou des informations qui pourraient accentuer le conflit cognitif, quitte à louvoyer pour ne pas entamer de discussions dérangeantes.
  • Des réactions émotionnelles plus prononcées, comme l’irritabilité ou la sensibilité accrue, peuvent survenir.

On imagine bien qu’à long terme, la dissonance cognitive va impacter le fonctionnement au quotidien : elle va interférer significativement avec la capacité à fonctionner, que ce soit au travail, dans les relations sociales, ou dans d’autres domaines importants. En toute logique, cela va altérer l’estime de soi, la confiance dans ses choix au point de geler le processus décisionnel et d’influencer les relations interpersonnelles. Les individus confrontés à des contradictions internes importantes vont éprouver des difficultés à maintenir des relations saines, couper éventuellement les ponts avec des proches, ce qui peut contribuer à l’isolement social et à d’autres problèmes de bien-être. Pareille situation ne peut qu’amoindrir l’état de santé, physique et mentale.

  • Les conflits internes intenses et l’état de tension mentale qui en résulte vont alimenter un stress psychologique récurrent qui peut tourner à l’anxiété chronique, aux troubles de l’humeur, anxieux ou à la dépression.
  • Cet état mental peut avoir un effet délétère sur la santé physique, insomnie, maladies cardiovasculaires, troubles gastro-intestinaux et autres affections.

Psychologue vs dissonance cognitive

À ce stade-là, impossible de solutionner le problème seul.e. Il faut consulter un professionnel de la santé mentale qui va intervenir à différents niveaux.

  • Il faut avant tout identifier qu’il y a dissonance cognitive, expliquer de quoi il s’agit et aider le patient à reconnaître les situations où cela s’exprime et de quelle manière. Cela implique donc de prendre conscience des pensées contradictoires ou des conflits internes et de la manière dont ils génèrent du stress psychologique.
  • Le psychologue va aussi explorer en profondeur les croyances, les valeurs et les attitudes du patient qui sous-tendent la dissonance cognitive. Comprendre ces aspects peut aider à identifier les sources du conflit cognitif et en évaluer les conséquences émotionnelles.
  • On va également travailler à renforcer la résilience cognitive, c’est-à-dire la capacité à tolérer et à gérer les tensions résultantes avec la restructuration cognitive ou le renforcement de la flexibilité mentale.
  • Le psychologue peut aider l’interlocuteur à aligner ses pensées, ses émotions et ses comportements de manière plus congruente. Cela peut impliquer l’exploration de nouvelles perspectives, la clarification des valeurs et la prise de décisions alignées sur celles-ci.
  • Communiquer des techniques de gestion du stress (relaxation, cohérence cardiaque, pleine conscience…) permet de faire face aux émotions inconfortables associées à la dissonance cognitive.

Les dissonances cognitives nous concernent toutes et tous. Mais chacun.e a sa manière de gérer le conflit intérieur généré. Quelquefois, l’intensité est tellement puissante, la charge mentale tellement importante qu’on ne peut plus faire face seul.e. Le psychologue peut alors apporter un soutien significatif sans jamais juger, dans le respect, l’écoute et la bienveillance.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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