Se gratter la peau, la pincer jusqu’au sang : derrière ce geste souvent banalisé ou confondu avec une simple manie, se cache un trouble aussi réel que douloureux. La dermatillomanie fait partie de ces comportements compulsifs qui traduisent un mal-être profond : il touche aussi bien les adolescents que les adultes, agit comme un exutoire silencieux, un signal que le corps envoie quand les mots manquent. Explications, exploration.

La dermatilomanie, encore trop méconnue

La dermatillomanie (skin-picking disorder ou excoriation compulsive ) est un trouble encore trop méconnu du grand public. Elle désigne un comportement compulsif consistant à gratter, triturer, pincer, mordiller ou percer sa peau, de manière répétée, parfois jusqu’au sang, en réponse à une tension interne ou une obsession liée à des imperfections cutanées, réelles ou supposées.

On parle de dermatillomanie lorsque ces comportements :

  • deviennent chroniques et envahissants ;
  • provoquent des lésions visibles, des douleurs ou des cicatrices (parfois suscitées à l’aide d’instruments type aiguille ou pince à épiler) ;
  • entraînent une détresse psychique importante ;
  • sont associés à une impossibilité de contrôle malgré les conséquences.

Ce trouble est aujourd’hui reconnu, répertorié et décrypté dans le DSM-5 et sa version en ligne. Il peut avoir des conséquences sur la santé globale, avec des saignements constants, des infections locales ou généralisées dans les cas les plus graves.

Un trouble à la croisée des chemins

La dermatillomanie se situe à la frontière entre trouble anxieux, obsessionnel et comportement compulsif. Elle est parfois associée à :

  • des troubles de l’image corporelle (dysmorphophobie) ;
  • des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) ;
  • des troubles du spectre de l’anxiété ;
  • des troubles dépressifs ou des troubles de l’impulsion.

Ce comportement peut être perçu comme un rituel d’auto-apaisement dans des situations de stress ou de tension émotionnelle, mais aussi comme une manière de reprendre le contrôle sur un corps vécu comme problématique. « Quand je gratte, je ne pense plus à rien. C’est comme si je sortais de moi-même… puis après je culpabilise » ; cette réflexion illustre le cercle vicieux qui s’installe : tension – passage à l’acte – soulagement temporaire – culpabilité – reprise du comportement.

Un sujet de honte

La dermatillomanie peut toucher enfants, adolescents et adultes. Elle semble plus fréquente chez les femmes, mais elle est souvent sous-diagnostiquée, car les patients en ont honte et n’en parlent pas spontanément.

Elle peut se manifester :

  • en lien avec des problèmes dermatologiques initiaux (acné, eczéma, boutons) ;
  • dans un contexte de stress chronique, d’hypersensibilité émotionnelle ou de trouble anxieux généralisé ;
  • comme un comportement appris ou renforcé dans l’enfance.

Quid de la prise en charge thérapeutique ?

Cette dernière combine souvent plusieurs approches :

  • Psychoéducation : comprendre le trouble, identifier les déclencheurs, casser le cycle de la honte.
  • Thérapies comportementales et cognitives (TCC) : apprendre à remplacer le comportement par d’autres stratégies d’apaisement, mettre en place un journal de bord, travailler la gestion des émotions.
  • Thérapies psychodynamiques : explorer le sens du symptôme, les conflits internes projetés sur la peau, le rapport au corps et à la douleur.
  • Soutien dermatologique : essentiel pour limiter les lésions, prévenir les infections, restaurer l’image corporelle.

Une souffrance à entendre

La dermatillomanie n’est pas un simple « tic » ou une « manie ». Elle exprime une souffrance plus profonde : difficultés à verbaliser les émotions, à s’apaiser autrement, besoin de contrôle sur un corps perçu comme imparfait.

Elle peut aussi évoquer une tentative d’extérioriser un mal-être interne : la peau devient le théâtre visible d’un conflit invisible. C’est pourquoi l’écoute bienveillante et sans jugement est primordiale pour enclencher un travail thérapeutique.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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