Dépendance affective ? S’il est difficile de déterminer le nombre de personnes concernées, il est possible d’avoir une petite idée de la chose en consultant les requêtes effectuées sur Internet. Ainsi, ce sont 40 500 internautes français qui ont effectué des recherches sur la « dépendance affective »… en un mois. On est à peu près sur le même volume pour les requêtes « dépendance affective test », « dépendance affective symptômes » et « dépendance affective couple ». En d’autres termes, la dépendance affective pose problème et question. Voici donc quelques pistes pour en savoir plus sur le sujet.

Rechercher l’amour de l’autre ?

Issu de la psychologie et de la psychothérapie, le concept de dépendance affective désigne un schéma de comportement où une personne devient excessivement dépendante des autres pour son bien-être émotionnel et sa propre estime de soi. Pour faire simple, les individus souffrant de dépendance affective ont tendance à rechercher constamment l’approbation, l’attention et l’amour des autres au point de négliger leurs propres besoins et de sacrifier leur autonomie.

Largement étudiée et discutée depuis des années par les psychiatres, les psychologues et les psychothérapeutes, la dépendance affective a inspiré de nombreuses recherches et une bibliographie conséquente, notamment dans le domaine de la psychologie clinique, de la psychologie relationnelle et de la thérapie familiale. Selon l’article « La dépendance affective », le premier à évoquer la chose est le psychosociologue Stanton Peele ; dans l’ouvrage Love and addiction publié dans les années 70, il dresse le parallèle entre certaines histoires d’amour et la dépendance aux drogues. Par la suite, on verra apparaître le terme « dépendance émotionnelle » puis le trouble de « personnalité dépendante », tel qu’il est répertorié dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux 5 (DSM).

Des signes qui ne trompent pas

Ce type de dépendance peut se créer au sein d’une relation familiale, amicale, amoureuse, voire professionnelle. La personne souffrant de dépendance affective vit des relations émotionnelles placées sous le signe de l’instabilité, de la destruction. Parce qu’on est en constante quête d’amour et de reconnaissance, on cherche l’Autre parfait, celui qui répondra au mieux à cette demande, quitte à le sublimer, l’idéaliser. Avec par la suite un cortège de signes et de symptômes qui ne trompent pas :

  • Une peur intense d’être abandonné.e ou rejeté.e par ses proches qui amène à tolérer des comportements abusifs ou à s’impliquer dans des relations insatisfaisantes, dysfonctionnelles, voire dangereuses.
  • L’impossibilité d’être seul.e (les périodes de solitude peuvent engendrer anxiété et/ou dépression), d’où le besoin impératif de la présence d’autrui pour se sentir comblé.e, quitte à multiplier les relations douteuses et risquées sans prendre de recul (les personnes souffrant de dépendance affective sont souvent victimes de pervers narcissiques).
  • La quête permanente de l’approbation et de la validation des autres, d’où l’impossibilité de prendre des décisions seul.e et en autonomie.
  • Une faible estime de soi, une dévalorisation constante, l’incapacité d’exprimer et d’affirmer ses désirs, ses besoins, mais aussi ses limites.
  • La négligence de ses propres besoins et désirs au bénéfice de ceux des autres, (on se met au second plan pour maintenir la relation, même si cela va à l’encontre de son bien-être, de sa sécurité et de ses valeurs).
  • La jalousie et l’hypercontrôle de l’autre, avec des comportements possessifs et des conflits dans les relations (demande constante de preuves d’amour, vérification du portable et des échanges, isolement social, mise à l’écart des proches et des amis, cycle de ruptures et de réconciliation, violences physiques en cas de perte de contrôle…).

Soumission totale, négligence des signaux d’alarme qui annoncent la dérive, hyper-possessivité, … autant dire que ce genre de schéma s’accompagne d’une souffrance mentale terrible ayant des conséquences au quotidien, autant au niveau social que physique, avec en prime de l’anxiété, de la dépression et des troubles de la personnalité.

Impacts et logique

C’est un euphémisme d’affirmer que la dépendance affective peut avoir de graves conséquences sur la santé mentale, les relations et la qualité de vie d’une personne. Outre la déstabilisation émotionnelle et la souffrance psychique évoquées dans les lignes précédentes, la dépendance affective peut impacter la vie professionnelle et sociale de manière durable avec des effets à long terme (perte d’emploi, rupture des liens familiaux, éloignement physique, risques pour la santé, dépendance financière, emprise, toxicomanie, automutilation et suicide…). Le spectre des conséquences est large et sérieux. À la source de cet état, tout un éventail de facteurs, par exemple :

  • Des expériences familiales traumatisantes, notamment des modèles de relations dysfonctionnels, des carences émotionnelles, des abus ou des négligences.
  • Des modèles de rôle parentaux présentant des comportements de dépendance affective ou des dynamiques de pouvoir déséquilibrées.
  • Des blessures émotionnelles, des expériences passées de rejet, d’abandon ou de trahison
  • Des troubles de l’attachement liés à l’enfance
  • Des troubles psychologiques sous-jacents, troubles anxieux ou de la personnalité

Concrètement ? Prenons l’exemple de Marie, qui grandit dans un environnement familial instable. Des parents souvent absents, happés par leur travail, et en proie à des conflits fréquents. Se sentant négligée, Marie développe une anxiété liée à l’abandon dès son jeune âge.

Adolescente, elle vit sa première relation amoureuse sérieuse avec un jeune homme attentionné et prévenant. Une stabilité émotionnelle de courte durée : l’amoureux doit déménager pour des raisons familiales. Vécu comme un rejet, ce départ ravive le sentiment d’abandon de Marie, laissant une marque profonde sur sa perception des relations.

Par la suite, Marie va développer une peur intense d’être abandonnée à nouveau. Pour ne plus subir cette douleur émotionnelle, pour éviter ce rejet qu’elle craint tant, elle multiplie les rencontres, refoulant l’expression de ses opinions, fuyant les tensions et les conflits à tout prix, se conformant aux désirs de ses partenaires. Elle en vient à sacrifier ses propres besoins et aspirations pour maintenir ses relations.

Le cycle de dépendance est mis en place : marquée par l’inquiétude de déplaire, d’être rejetée et abandonnée, la vie émotionnelle de Marie dépend fortement de la présence et de l’approbation de ses partenaires romantiques. Concentrée sur la satisfaction de leurs besoins, elle ne développe plus d’intérêts indépendants.

Comment combattre la dépendance affective ?

Le processus est complexe et tortueux ; il est difficile de s’en extraire sans une stratégie adaptée, de la patience, et un passage obligé par plusieurs étapes clés.

  • Pour surmonter la dépendance affective, il faut avant tout reconnaître qu’on en souffre, ce qui implique une prise de conscience pénible, l’identification progressive de schémas de comportement spécifiques, la compréhension des racines de cette situation.
  • Autre point à renforcer, la gestion de l’anxiété occasionnée par la peur de l’abandon (pleine conscience, régulation émotionnelle, il existe plusieurs techniques pour dompter cette angoisse).
  • Impossible de lutter contre la dépendance affective sans privilégier son autonomie et son indépendance émotionnelle, via l’expression de ses propres intérêts, ses objectifs, ses loisirs… et la définition de limites sains dans les relations, afin de neutraliser tout risque d’abus.
  • Il va aussi falloir conquérir l’estime de soi, un renforcement essentiel qui exige du temps, la déconstruction de croyances ancrées profondément et le développement d’une image de soi plus positive et saine, via des techniques d’affirmation de soi adaptées.

Lutter efficacement contre la dépendance affective, c’est mettre en avant son bien-être émotionnel, en prendre soin autant que de son état physique. Exercice régulier, alimentation équilibrée, sommeil réparateur, méditation, pratique d’un hobby, échanges sociaux, contacts avec ses proches, l’auto-soin n’est valable que s’il est accompagné par un psychiatre ou un psychologue. Car surmonter seul ce schéma de comportement est impensable. Élaborer un plan de traitement personnalisé, trouver le bon mode de thérapie (TCC, thérapie des schémas…), rassurer, déculpabiliser, encourager : un professionnel de la santé mentale va apporter un soutien, des conseils et des outils adaptés, un espace sûr pour explorer ces émotions, ces comportements.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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