J’ai déjà abordé le sujet plusieurs fois, mais force est de constater que la culpabilité demeure ancrée dans les problématiques de mes patients. Pour tout dire, cela leur pourrit l’existence. Bien sûr, cette émotion est universelle, tout le monde l’éprouve à un moment ou un autre. Mais chez les personnes souffrant de troubles mentaux tels que la dépression ou l’anxiété généralisée, la culpabilité s’impose comme un poids écrasant, persistant, et souvent injustifié. Chez d’autres patients, c’est le sentiment de culpabilité poussé à son paroxysme qui a engendré des déséquilibres psychiques. Bref, ce sentiment, bien qu’invisible, peut avoir des conséquences profondes sur la santé mentale, accentuant les symptômes des troubles existants et rendant la guérison encore plus difficile.

Culpabilité et troubles mentaux : folie à deux ?

Commençons par apporter une définition claire de ce terme qu’on utilise parfois un peu n’importe comment. La culpabilité peut être comprise comme un sentiment de responsabilité, réel ou imaginaire, face à une faute perçue ou à un préjudice causé à autrui. Ce sentiment s’avère sain (voire même souhaitable) lorsqu’il conduit à des remords constructifs ou à une volonté de réparer ses erreurs. Mais il devient carrément pathologique et toxique lorsqu’il est démesuré, irrationnel, ou auto-accusateur.

Chez les personnes atteintes de troubles mentaux, la culpabilité peut prendre une dimension disproportionnée. Pourquoi ? Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette tendance.

  • Les schémas de pensée négatifs : Les personnes dépressives ou anxieuses ont tendance à interpréter les événements de manière négative et à se blâmer pour des situations qu’elles ne contrôlent pas.
  • Les normes sociales et culturelles : Dans certaines cultures, certains milieux sociaux, admettre une fragilité mentale est perçu comme un échec moral, ce qui renforce le sentiment de culpabilité.
  • Le perfectionnisme : Un perfectionnisme exacerbé peut pousser certains profils à penser qu’ils ne font jamais assez bien, ce qui alimente la culpabilité.

En somme, la culpabilité s’érige en voix intérieure critique, qui accuse constamment pour tout et rien, condamne sans relâche et sans aucune mansuétude.

Culpabilité ? Une mauvaise tragédie…

C’est tout le problème. Une fois qu’elle est là, la culpabilité s’installe de manière tenace et ne lâche plus. C’est que son mécanisme repose sur un processus cognitif complexe qui a tout de la mauvaise tragédie et dont voici le schéma.

Acte I : Perception d’une faute ou d’un échec

La personne a le sentiment qu’elle a fait quelque chose de mal ou qu’elle n’a pas répondu à ses propres attentes ou à celles d’autrui (parent, proche, conjoint, ami, patron, collègue…).

Acte II : Attribution interne

Elle interprète cet échec comme un problème lié à sa propre personne, ses manques, ses faiblesses, ses failles, son manque de volonté, sa nullité (“C’est de ma faute”).

Acte III : Jugement moral

Elle applique un jugement moral sévère envers elle-même, se considérant comme mauvaise, défaillante ou incompétente, totalement irrécupérable.

Acte IV : Rumination

La culpabilité persiste à travers les ruminations mentales, ces pensées répétitives et intrusives qui amplifient le sentiment de honte et d’échec.

Édifiant, non ? Ce processus s’intensifie chez les personnes souffrant de troubles anxieux ou dépressifs, car elles ont justement tendance à ressasser leurs erreurs perçues de manière répétitive, ce qui les fait entrer dans un cercle vicieux qui va vite devenir infernal.

Culpabilité : comme un hamster dans sa roue

Pas étonnant alors que la culpabilité, devenue chronique, a des effets plus que toxiques sur la santé mentale. Les impacts les plus courants ? En voici un échantillonnage.

  • Accroissement des symptômes dépressifs : La culpabilité alimente la tristesse, le désespoir et le sentiment d’impuissance.
  • Renforcement de l’anxiété : Le sentiment d’avoir constamment fait quelque chose de mal peut provoquer une anxiété permanente.
  • Perte d’estime de soi : La culpabilité pousse la personne à se dévaloriser et à penser qu’elle ne mérite pas le bonheur.
  • Isolement social : Par honte ou par peur d’être jugée, la personne culpabilisée peut s’isoler, ce qui aggrave son état.

Pas évident d’en sortir donc, vu qu’on se retrouve piégé comme un hamster dans sa roue. Et comme un hamster, on court, on court, toujours plus vite, entraîné par le mouvement giratoire de la dite roue qui s’avère instrument de torture qu’on alimente.

Déconstruire la culpabilité : comment en sortir ?

Pour sortir de cette roue, il va falloir déconstruire ce sentiment de culpabilité toxique. Cela implique tout un processus de prises de conscience et de rélfexion.

Identifier les pensées irrationnelles

La première étape consiste à reconnaître que la culpabilité repose souvent sur des pensées irrationnelles ou exagérées. Un travail thérapeutique, notamment à travers les thérapies cognitivo-comportementales (TCC), permet d’identifier ces pensées et de les remplacer par des croyances plus réalistes.

Différencier responsabilité et culpabilité

Il est important de faire la distinction entre être responsable de ses actes et se sentir coupable. Être responsable implique d’assumer les conséquences de ses actions de manière constructive, tandis que la culpabilité est une émotion paralysante.

Travailler sur l’estime de soi

Renforcer l’estime de soi permet de réduire la vulnérabilité à la culpabilité. Cela passe par la reconnaissance de ses qualités, de ses réussites, et par un travail sur l’acceptation de soi.

Pratiquer l’auto-compassion

L’auto-compassion est essentielle pour contrer la culpabilité. Il s’agit d’apprendre à se traiter avec la même bienveillance que l’on accorderait à un ami proche. Cette pratique permet de réduire les jugements sévères envers soi-même.

Le rôle du psychologue dans la gestion de la culpabilité

Sur le papier, cela a l’air simple comme tout à mettre en place ; mais vous vous doutez bien qu’il faudra bien plus qu’un claquement de doigts pour parvenir à sortir de ce cercle vicieux et déconstruire des schémas toxiques souvent ancrés depuis l’enfance. Le psychologue peut alors intervenir pour aider à apaiser la culpabilité chez les personnes souffrant de troubles mentaux. Il possède en effet plusieurs outils pour y arriver.

  • La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) permettra d’identifier et de déconstruire les pensées culpabilisantes.
  • La thérapie de l’acceptation et de l’engagement (ACT) amènera à accepter ses émotions sans se laisser submerger par elles.
  • Les pratiques de pleine conscience réduiront les ruminations et renforceront la présence à l’instant présent.

Récapitulons : la culpabilité est une émotion naturelle, mais lorsqu’elle devient chronique et irrationnelle, elle peut gravement nuire à la santé mentale. En comprenant son mécanisme et en travaillant à la déconstruire, il est possible de retrouver un équilibre émotionnel et de se libérer de ce fardeau émotionnel. Si vous ressentez une culpabilité persistante qui affecte votre qualité de vie, n’hésitez pas à consulter un professionnel de santé mentale pour vous accompagner dans ce processus de guérison.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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