Que reste-t-il de soi quand on vit sous emprise ? C’est la question que pose le film Charlie Says de Mary Harron, inspiré de la dérive des membres de la tristement célèbre famille Manson. On y suit le parcours de  Susan AtkinsPatricia Krenwinkel et Leslie Van Houten. Condamnées pour meurtre suite aux massacres Tate – La Bianca et incarcérées, elles vont progressivement comprendre la manipulation psychologique qu’elles ont subie.

De la fascination à l’aliénation

Mary Harron filme par tout un jeu de flashbacks comment ce groupe groupe de disciple est quotidiennement manipulé par un Charles Manson charismatique, narcissique, autoritaire et destructeur. Flatterie, isolement, inversion des valeurs, culpabilisation : on découvre l’arsenal des méthodes mises en œuvre par Manson pour assujetir ces jeunes gens complètement perdus et les amener progressivement au pire.

Il est impressionnant de voir comment, peu à peu, leur pensée critique s’éteint. En quête d’amour et de repères, hommes et femmes deviennent dépendants de son regard, de sa parole, de son jugement. Toutes leurs phrases débutent par « Charlie a dit que », d’où le titre du film « Charlie says ». Ce basculement s’orchestre lentement, par la confusion. Ce que le spectateur observe, c’est le processus d’effacement intérieur, cette anesthésie du discernement qui transforme la soumission en conviction.

L’emprise : une pathologie de la relation

Plutôt que de rejouer la violence spectaculaire des crimes qui n’est évoquée que sommairement, Charlie Says se concentre sur l’avant ET l’après : la détention, la prise de conscience, la lente réémergence du libre arbitre. Sous l’accompagnement d’une éducatrice, les trois jeunes filles redécouvrent la possibilité de penser par elles-mêmes.
Le film ne cherche jamais à les excuser, mais à comprendre comment l’emprise mentale déforme le rapport à la réalité et c’est ce qui fait sa force, son intérêt.

En psychologie, l’emprise se définit comme une prise de pouvoir sur la pensée et les affects d’autrui, fondée sur la peur, la dépendance et la perte d’estime de soi. Le manipulateur impose son système de croyances, fragilise l’identité du sujet et l’isole de toute autre influence. Sortir de cette emprise nécessite un travail long : reconnaître l’illusion, reconstruire une image de soi indépendante, réapprendre à décider seul.

C’est ce que montre le film avec justesse : derrière la fascination pour Manson, il y a surtout des jeunes femmes fragilisées, en quête de sens, happées par un discours totalisant. Charlie Says est un film sur la perte de soi — et sur la possibilité de réapprendre à exister. Il rappelle que nul n’est “à l’abri” de l’emprise : elle s’exerce dans les sectes, mais aussi dans certains couples, familles ou milieux professionnels. Un film utile, nécessaire, pour comprendre combien la liberté psychique se construit — et se défend.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

Pin It on Pinterest

Share This