Tout le monde connaît désormais le burn-out et ses dangers. En revanche, la notion de burn-in est encore ignorée du grand public. C’est bien dommage, car identifier les signes du burn-int permettrait de neutraliser les burn-out en gestation. De quoi s’agit-il ? Quel est le fonctionnement du burn-in ? Comment s’en prémunir ? Explications.
La période qui précède le burn-out
Pour les photographes, le terme « burn-in » désigne la surexposition qui altère les clichés. Mais le « burn-in » fait aussi partie du lexique de l’électronique, de l’informatique. Il s’agit du processus de test dans lequel un dispositif ou un système est soumis à une utilisation prolongée dans le but de mesurer son fonctionnement, sa solidité, ou de réduire les effets de l’usure à long terme.
Le « burn-in » englobe donc la phase d’évaluation de la résistance des composants électroniques, puces informatiques, écrans et autres disques durs, en les soumettant à un stress élevé pendant une période prolongée. Cette étape de fabrication a pour objectif de détecter d’éventuels défauts, de stabiliser leur performance.
C’est un moment crucial qui a pour but de réduire le risque de défaillance prématurée avant la mise en service du produit. Un système vertueux donc, mais la chose s’assombrit considérablement dans le cadre de la psychologie et des sciences cognitives. Selon ces disciplines, le « burn-in » désigne la période qui précède l’explosion du burn-out. Et qui en annonce l’effondrement.
Une mécanique toxique
Initié en 1994 par le psychologue britannique Gary Cooper, qui enseignait alors à la Manchester Université dans la section « Organisation du management », le burn-in constitue la phase préliminaire au burn-out. Et c’est une mécanique particulièrement perverse, insidieuse et toxique, un peu comme une éruption volcanique en gestation.
- Cette phase survient progressivement, notamment durant les périodes de tension professionnelle : prise de poste, onboarding, intégration dans une nouvelle entreprise, rachat de l’entreprise, nouveau marché à conquérir, nouvelle mission à réaliser.
- On a peur de mal faire, de ne pas s’intégrer au groupe, de ne pas être reconnu, accepté. On redoute de perdre ce job qu’on aime tant, pour lequel on a tout donné. On est surchargé de tâches à accomplir, on se surinvestit pour tout achever et ne pas décevoir, on est pris par le challenge.
- On s’épuise devant ce tonneau des Danaïdes, devant le manque de moyens, de budget, de communication, d’encadrement, de latitude décisionnelle. La frustration va grandissant, qui mêle l’insatisfaction, le sentiment d’impuissance et d’incapacité. Le stress s’accumule comme la vapeur dans une cocotte-minute, on devient aigri, agressif, inefficace, on se désintéresse de ces tâches que pourtant on adore. Et on commence à perdre la santé.
Repérer le burn-in est complexe
Le mécanisme est d’autant plus redoutable qu’on ne l’identifie pas. Et c’est là tout le problème : repérer le burn-in est complexe. Le salarié concerné ne se rend même pas compte de cette lente descente aux enfers, il est totalement dans le déni, épuisé certes, mais exalté, presque enivré par la cadence de travail qu’il s’impose ou qu’on lui impose. Les résultats sont là, il est en train de réussir, il est persuadé que cela va faire avancer sa carrière, il n’est pas en capacité de réaliser qu’il va dans le mur.
L’un des signes les plus parlants de cette dégradation à bas bruit ? Le présentéisme accru. Total opposé de l’absentéisme, le présentéisme désigne une assiduité abusive sur le lieu de travail et en dehors : heures supplémentaires, travail à la maison en plus des tâches accomplies en entreprise, hyper connexion avec le bureau… L’incontestable signal d’alarme ? La présence sur le lieu de travail en dépit de la maladie (exemple type : venir au bureau avec une grippe et 38° de fièvre, pour ne pas entraver les tâches collectives).
Il y en a d’autres, physiques, cognitifs, psychologiques, plus ténus mais tout aussi parlants : la perturbation du sommeil, la fatigue croissante, les variations de poids, les céphalées, les douleurs dorsales, musculaires, la concentration et la mémoire qui s’effritent, les erreurs qui se multiplient, la sensation d’être dépassé, le besoin d’isolement, le désintérêt, les relations qui se détériorent, les conflits qui se multiplient…
Comment neutraliser le burn-in ?
Tous ces petits indices doivent constituer autant de warnings. Il faut ralentir le rythme. Vite. Impérativement. Quelques parades à mettre en place ?
- prendre quelques jours pour se reposer quitte à se faire arrêter par son médecin ;
- refuser les nouvelles tâches, apprendre à dire non ;
- réorganiser son travail selon les méthodes type POMODORO, KANBAN et autres matrices d’Eisenhower ;
- retracer une limite entre travail et vie privée et la respecter : plus de dossiers à la maison ;
- se contraindre à reprendre une activité extra-professionnelle, un loisir : sport, culture, arts… ;
- réinvestir son estime de soi en listant ses réussites, ses compétences ;
- avertir son entourage, ses proches, ses collègues.
Et surtout être épaulé par un psychologue, car à ce stade-là, il est très compliqué de s’extraire seul.e de cette logique mortifère. Il faut d’urgence remettre à plat les situations, les comportements, les croyances qui ont amené à cette dérive dont le patient n’est pas le fait. Il faut surtout en prendre conscience, l’accepter également. C’est le plus douloureux, le plus perturbant… comme stopper un TGV lancé à toute vitesse vers une muraille ou une falaise, avant l’impact fatal.
N’oublions pas que l’organisation du travail et de l’entreprise repose sur une compétitivité féroce qui encourage les salariés à adopter un rythme de production soutenu. C’est une logique, une mentalité dont on saisit le côté létal bien trop tard malheureusement, quand on ne peut plus rien faire que subir son burn-out, avec le risque de ne jamais s’en relever. Considéré comme une phase préliminaire au burn-out, le burn-in est une notion encore méconnue du grand public. Il est pourtant impératif d’en savoir l’existence et le fonctionnement pour prévenir l’épuisement professionnel.
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