J’ai déjà maintes fois évoqué l’anxiété dans mes articles : chronique, informationnelle, écologique… Mais au vu de l’actualité, j’ai pensé qu’un point sur l’anxiété électorale ne ferait pas de mal. Car cette dernière n’a rien d’anodin, elle peut même s’avérer profondément perturbante, voire dangereuse, pour votre santé physique et mentale.
La peur de l’inconnu
L’anxiété électorale ? C’est le terme utilisé dans notre jargon de psychologue pour décrire le stress et l’inquiétude ressentis par certaines personnes en période d’élections. Ce type d’anxiété, parfois si intense qu’il tourne à la crise de panique, est alimenté par tout un faisceau de réflexions, de projections et d’incertitudes face à un avenir qu’on pressent funeste et sur lequel on n’a aucun contrôle hormis celui de son vote.
La peur de l’inconnu, l’enjeu lié à l’issue des élections alimentent la peur, une grande sensation d’instabilité, de vulnérabilité. Les électeurs sont effrayés à l’idée que le résultat pourrait affecter leur avenir, celui de leurs proches, celui de leur pays. Les élections sont en effet souvent perçues comme ayant des conséquences majeures sur des aspects importants de la vie quotidienne, l’économie, les droits civiques, la santé, l’éducation, la politique étrangère. Cette perception peut accroître le sentiment de pression et d’angoisse.
Une épreuve émotionnelle
Dans cet environnement fortement polarisé, les conflits et les débats intenses entre différents groupes politiques vont accroître la peur, la tension, le sentiment d’urgence, de péril immédiat. Les échanges sur les réseaux sociaux, dans les médias, parmi les amis, au sein même de la cellule familiale, peuvent devenir autant de sources de friction, parfois d’affrontement, d’agressions verbales, psychiques, physiques dans certains cas. Les campagnes électorales, souvent marquées par les éclats, les scandales, les révélations sur les faiblesses des candidats, constituent un redoutable élément anxiogène, jouant des sentiments de panique, de colère, d’injustice. Les messages alarmistes, les attaques personnelles qui prolifèrent dans ces périodes conflictuelles favorisent une atmosphère de grande nervosité, d’insécurité.
La propagation de fausses informations et de théories du complot ajoutent encore à ce climat de méfiance, contribuant à augmenter le doute, la sensation de mutabilité. Les électeurs peuvent se sentir désorientés, incapables de discerner la vérité, leurs croyances, leurs convictions, leurs valeurs sont mises à mal. Participer aux élections, voter de manière informée, encourager les autres à voter constitue un impératif qui tourne à l’obsession pour certains, une source de pression, de contrainte et de culpabilité pour d’autres. Dans ces ambiances électriques qui ont tout du traumatisme à répétition, les heures qui précèdent l’annonce des résultats sont rudes pour les nerfs, les délais dans le comptage des votes, les éventuelles contestations des résultats, une véritable épreuve qui en fait craquer plus d’un.
Des signes qui ne trompent pas
Cette pression particulièrement dense se traduit par une série de symptômes très spécifiques, qui touchent à la fois le corps et l’esprit.
- On va éprouver une inquiétude persistante concernant les résultats de l’élection et ses implications pour leur avenir et celui de leur communauté. Cette angoisse peut vite devenir omniprésente, polluer le quotidien professionnel et intime par des pensées intrusives et désagréables, le besoin difficile à réprimer de consulter son fil d’actualité ou d’échanger sur la question.
- Une sensibilité accrue et une tendance à s’irriter facilement peuvent apparaître, souvent en réponse aux discussions politiques ou aux informations sur les élections. Les remarques acerbes fusent, le penchant à répondre de manière très brusque sur les réseaux sociaux s’intensifie.
- Les périodes électorales peuvent aussi entraîner un sentiment de pessimisme, de culpabilité, d’impuissance, parfois de désespoir, surtout si les résultats anticipés sont perçus comme négatifs. On a la sensation d’être perdu, de ne plus avoir de repères, que ses valeurs cardinales, ses objectifs de vie n’ont plus de socle.
- Dans certains cas, l’anxiété électorale peut provoquer un grand sentiment d’isolement, d’incompréhension, une peur intense et, dans des situations extrêmes, des attaques de panique.
Ce climat anxiogène engendre des symptômes physiques perturbants : troubles du sommeil, épuisement, tensions musculaires, maux de tête, problèmes digestifs, vertiges, perturbation de l’alimentation, arythmie cardiaque. Mais l’anxiété électorale s’accompagne également de symptômes cognitifs marquants : rumination, difficultés de concentration et de mémorisation, brouillard cérébral, pensées catastrophistes, surveillance compulsive des médias avec FOMO, doomscrolling.
Des statistiques parlantes
Vous pensez que j’exagère un brin ? Vite, je dégaine les statistiques. Un article du Monde tout juste édité apporte des données assez inquiétantes collectées par des chercheurs américains.
- En période d’élection fortement polarisée, on note « une augmentation significative de 77 % de l’incidence d’un trouble du rythme cardiaque ».
- Une autre étude démontre une augmentation de 62 % du risque d’hospitalisation pour infarctus aigu du myocarde dans la seule Caroline du Sud durant les deux jours suivant l’élection présidentielle américaine de 2016. Une autre encore souligne que le taux d’hospitalisation pour maladie aiguë cardiovasculaire a été 17 % supérieur dans les cinq jours suivant l’élection que lors d’une période de même durée deux semaines auparavant.
- Dans une troisième étude, les personnes interrogées qui percevaient les taux les plus élevés de polarisation à la tête de leur État présentaient un surrisque de 71 % d’apparition d’un trouble dépressif et de 49 % de survenue de troubles du sommeil.
- Dans une quatrième investigation, 12,5 % des adultes américains interrogés présentaient des symptômes d’un stress post-traumatique électoral dans les jours suivant l’élection de 2020, soit un taux nettement plus élevé que la prévalence annuelle du PTSD qui se situe à 3,5 %.
Traduction : l’anxiété électorale est un phénomène bien plus courant qu’on ne le pense et avec des effets sérieux sinon graves pour la santé.
Quelles parades mettre en place ?
Les périodes électorales pouvant engendrer une véritable détresse mentale à la limite du choc traumatique, il importe d’agir. Si vous désirez préserver une santé psychique dont vous pressentez qu’elle est fragilisée, il est fortement recommandé de :
- Limiter l’exposition aux médias et aux réseaux sociaux afin d’éviter une surcharge d’informations stressantes liée à l’infobésité.
- S’informer auprès de sources fiables et factuelles.
- Se concentrer autant que sur des activités apaisantes.
- Pratiquer un sport relaxant et des exercices de respiration type cohérence cardiaque.
- Participer activement au processus électoral en votant, ce qui peut donner un sentiment de contrôle et de contribution positive.
- Discuter de vos préoccupations avec des amis, de la famille, des personnes dont vous savez qu’elles sont calmes et pondérées.
- Éviter comme la peste les rencontres avec des exaltés et autres fanatiques qui risquent fort de faire exploser votre tension.
Et si cela ne suffit pas à vous préserver, que vous sentez que l’anxiété électorale interfère significativement avec votre vie quotidienne au point d’impacter vos activités et de menacer votre équilibre mental, consultez un psychologue pour obtenir un soutien et des stratégies de gestion du stress.
- Ce dernier va vous aider à identifier les sources de ce type d’anxiété ainsi que son fonctionnement, en expliquant les dynamiques politiques et en démystifiant les processus électoraux. Cela peut déjà réduire l’incertitude et le sentiment d’impuissance.
- Il va vous aider à limiter votre exposition aux nouvelles politiques, notamment sur les réseaux sociaux et les chaînes d’information continue, pour éviter une surcharge d’informations stressantes.
- La TCC peut être utilisée pour identifier et modifier les pensées irrationnelles ou catastrophiques concernant les élections. Les patients vont ainsi apprendre à remplacer ces pensées par des perspectives plus équilibrées et réalistes.
- L’enseignement de techniques de relaxation, telles que la respiration profonde, la méditation, ou la pleine conscience, peut aider les patients à gérer le stress et à réduire les symptômes physiques de l’anxiété.
L’idée est de ne pas rester seul face à ce qui peut relever d’un véritable traumatisme, d’une détresse mentale bien plus profonde qu’on ne peut imaginer. Le psychologue saura évaluer les dégâts et proposer des thérapies appropriées pour accompagner la résilience.
Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.