Traumatisme du grec traumatismos, « action de blesser ».

  1. Ensemble des lésions locales intéressant les tissus et les organes provoquées par un agent extérieur ; troubles généraux qui en résultent. (Abréviation : trauma.)
  2. Action violente provoquant ces lésions locales.

Merci le Larousse pour cette définition on ne peut plus claire… mais un brin incomplète. Ce que le dictionnaire ne dit pas, c’est que le traumatisme peut aussi être psychologique. Et occasionner de très nombreux dégâts. Dégâts qui se perdent dans un usage galvaudé du mot, qu’on met désormais à toutes les sauces, qu’on emploie pour désigner n’importe quel coup du sort. Pourtant, le traumatisme psychique est précisément référencé, désigné, ses symptômes sont connus, ses traitements spécifiques. Explications.

Pour mieux comprendre la chose, citons l’encyclopédie Universalis qui dit de la tournure « traumatisme psychique » qu’elle est appliquée « aux blessures psychiques, aux chocs émotionnels violents dus à une situation si critique, exceptionnelle et urgente que le sujet est dans l’impossibilité de les maîtriser ou de les décharger : il se trouve démuni, impuissant, tant psychiquement que physiquement, à maîtriser l’événement. Ce défaut de contrôle peut être physique et énergétique (prostration, par exemple) ; il peut se traduire par une absence d’organisation de son système de défense ou par un vide au niveau du sens de l’événement dans son existence. Le traumatisme est donc un phénomène relatif aux circonstances, à l’intensité de l’événement et aux ressources personnelles du sujet ».

Le traumatisme psychique résulte d’une expérience particulièrement stressante, choquante ou dérangeante. Ces expériences peuvent être des événements uniques ou répétés qui dépassent la capacité d’adaptation émotionnelle d’une personne. On fait état de traumatismes psychiques dès l’Antiquité : ainsi Evelyne Josse dans Le traumatisme psychique chez l’adulte, évoque le cas du guerrier athénien Epizelos, frappé d’effroi pendant la bataille de Marathon au point d’en perdre momentanément la vue : une cécité de conversion pour le moins spectaculaire et un parfait exemple de traumatisme psychique.

La tournure émerge à la fin du XIXème siècle avec les avancées de la médecine moderne et de la psychiatrie.

  • Sigmund Freud y a contribué de manière significative en développant la théorie selon laquelle des expériences traumatiques pouvaient avoir un impact durable sur la psyché, en introduisant le concept de « névrose traumatique ». Il a souligné l’importance de l’inconscient et des mécanismes de défense dans la réponse à des événements traumatiques.
  • Son contemporain, le psychologue Pierre Janet a également travaillé sur la compréhension des conséquences psychologiques des traumatismes. Il a introduit le terme « traumatisme psychique » pour décrire les effets psychologiques de certaines expériences sur la santé mentale.
  • La fille de Sigmund Freud, Anna Freud, a apporté des contributions importantes à la compréhension des traumatismes chez les enfants. Elle a développé des idées sur les mécanismes de défense spécifiques aux enfants face au stress.
  • Le psychiatre canadien Eric Berne, connu pour son travail sur l’analyse transactionnelle, a examiné comment les transactions sociales pouvaient être influencées par des expériences traumatiques antérieures, affectant les schémas de comportement.
  • Le pédiatre et psychanalyste britannique Donald Winnicott a exploré les effets des expériences précoces sur le développement psychologique, mettant en lumière l’importance des relations précoces dans la résilience face aux traumatismes.
  • Le psychiatre Bessel van der Kolk a joué un rôle clé dans la compréhension du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et des effets des traumatismes sur le cerveau et le corps. Il a mis l’accent sur les approches centrées sur le corps dans le traitement des traumatismes.
  • La psychiatre américaine Judith Herman a travaillé sur la compréhension des traumatismes complexes, en mettant en évidence les aspects relationnels et sociaux des expériences traumatiques, notamment dans son ouvrage Trauma and Recovery.

Ces quelques exemples parmi tant d’autres illustrent l’intérêt et la complexité du concept de traumatisme psychique, concept largement amplifié par deux guerres mondiales. Les traumatismes psychologiques ont été largement observés chez les Poilus exposés aux horreurs des tranchées et aux combats intenses. La guerre de 14-18, puis la Seconde Guerre Mondiale, ont d’ailleurs contribué à la reconnaissance du « choc de guerre », jetant ainsi les bases de la compréhension moderne du TSPT, intégré dans la classification du DSM. Aujourd’hui, la compréhension du traumatisme psychique est multidisciplinaire, croisant psychologie clinique, psychiatrie, neurobiologie et d’autres domaines connexes.

La recherche continue à explorer les mécanismes sous-jacents et les approches thérapeutiques pour aider les individus à surmonter les effets néfastes des traumatismes psychiques. Premier effet de ces recherches, la répartition des traumatismes psychiques en différentes catégories.

  • Le traumatisme simple peut résulter d’un événement unique, comme un accident de voiture, un vol à main armée, un tremblement de terre, etc.
  • Le traumatisme complexe survient souvent à la suite d’événements répétitifs et prolongés, tels que des abus physiques, émotionnels ou sexuels, souvent vécus pendant l’enfance.
  • Le trouble de stress post-traumatique (TSPT) se développe à la suite d’un événement traumatisant et peut inclure des symptômes que nous évoquons plus loin dans ce texte.
  • Le traumatisme vicariant se produit lorsque quelqu’un est exposé aux expériences traumatisantes d’une autre personne, souvent par le biais de son travail, comme les professionnels de la santé, les travailleurs sociaux, etc.
  • Le traumatisme en lien avec des catastrophes peut résulter de catastrophes naturelles, d’accidents majeurs ou d’actes terroristes, affectant souvent des communautés entières.
  • Le traumatisme de deuil survient après la perte d’un être cher, surtout si la perte est soudaine, violente ou inattendue.
  • Le traumatisme racial ou culturel découle de l’exposition à des discriminations, des préjugés, des stéréotypes ou des violences basées sur la race, la culture ou l’ethnicité.
  • Le traumatisme de guerre touche les anciens combattants.

On peut également citer le traumatisme de développement qui désigne une transgression du développement psycho-émotionnel séquentiel d’un enfant ou d’un adolescent causée par des privations, des frustrations ou un événement traumatisant. Le traumatisme embryonnaire superpose traumatisme de choc ( la vie de la mère ou du fœtus ont été menacés pendant la grossesse) et traumatisme de développement (grossesse non désirée, traumatisme émotionnel ou dépression de la mère pendant la grossesse). Le traumatisme de la naissance découle du choc profond de la naissance qui crée un réservoir d’angoisse dont les parties se déchargeront, se libéreront à travers toute l’existence.

Rapide et parcellaire, cet aperçu révèle à quel point la notion de traumatisme psychique est complexe et suppose un diagnostic précis.

Nous venons de le voir dans les lignes précédentes, les traumatismes psychiques peuvent être causés par divers facteurs. Accidents graves, agressions physiques ou sexuelles, catastrophes naturelles, guerre, pertes importantes, abus psychologiques, les situations traumatisantes ne manquent guère, qui peuvent affecter profondément la santé mentale d’une personne, entraînant des symptômes spécifiques :

  • Flashbacks
  • Troubles du sommeil (insomnie, somnolence, hypersomnie)
  • Cauchemars
  • Hypervigilance, réactions exagérées face à des stimuli inattendus et bruyants
  • Fluctuations de l’humeur, tristesse, culpabilité
  • Accès de colère et de violence
  • Difficultés de concentration
  • Manque de confiance en soi
  • Stress et anxiété (palpitations, sueurs, tremblements et sensations de malaise)
  • Attaques de panique
  • Conduites à risques (alcoolisme, drogue, rapports sexuels non protégés…)
  • Évitement délibéré face à certaines situations, personnes ou endroits qui rappellent l’événement traumatique
  • Dépersonnalisation et déréalisation
  • Émoussement émotionnel.

Ces symptômes peuvent varier d’une personne à l’autre et dépendent du type de traumatisme, de la durée de l’exposition et des mécanismes de coping individuels. Ils peuvent se manifester immédiatement après l’événement traumatique ou se développer progressivement au fil du temps. Ils peuvent également persister pendant une période prolongée.

Diagnostic et traitements

Le diagnostic du traumatisme psychique est complexe et nécessite une évaluation approfondie et précise qui se fonde sur les critères établis par des manuels diagnostiques tels que le DSM-5. Cette démarche est effectuée par un médecin ou un psychiatre et implique un parcours de soin exigeant. Il va falloir passer par plusieurs étapes :

  • On commence par effectuer une évaluation clinique approfondie. Cela peut impliquer des entretiens pour recueillir des informations sur les antécédents médicaux et familiaux, les événements traumatisants, les symptômes actuels et les stratégies d’adaptation.
  • Il va falloir s’assurer que les symptômes ne sont pas causés par d’autres troubles mentaux ou médicaux.
  • Des entretiens structurés et des questionnaires standardisés peuvent être utilisés pour évaluer la présence et la gravité des symptômes liés au traumatisme. Ces outils aident à objectiver les symptômes et à suivre les changements au fil du temps.
  • Parfois, le professionnel de la santé mentale peut collaborer avec d’autres experts, spécialistes en neurologie, médecins généralistes, ou d’autres professionnels de la santé, pour exclure d’autres causes possibles des symptômes.

Une fois le diagnostic établi, on peut commencer une thérapie afin d’explorer les émotions, les pensées et les réactions liées au traumatisme, et de développer des stratégies pour faire face. Il existe plusieurs approches qu’on adaptera et croisera pour plus d’efficacité.

  • La thérapie cognitivo-comportementale est couramment utilisée pour le traitement du trouble de stress post-traumatique. Elle vise à identifier et à changer les schémas de pensée négatifs, ainsi qu’à développer des compétences pour faire face aux déclencheurs du traumatisme.
  • Les thérapies basées sur la pleine conscience, en facilitant l’ancrage dans l’instant présent, peuvent amener à réduire l’impact émotionnel du traumatisme.
  • L’EMDR implique la reconsolidation des souvenirs traumatiques à travers des mouvements oculaires, permettant de réduire l’intensité émotionnelle associée à ces souvenirs.
  • Des méthodes de relaxation peuvent aider à réduire l’anxiété et à favoriser la détente.
  • L‘art, l’écriture ou d’autres formes d’expression créative peuvent être des moyens thérapeutiques de traiter les émotions liées au traumatisme.
  • On peut aussi s’appuyer sur des groupes de soutien, la connexion avec d’autres personnes permettant de briser l’isolement et de partager ses émotions.

Soulignons que le processus de guérison peut être progressif ; il n’y a pas de solution rapide. La clé est d’explorer différentes approches et de trouver celles qui fonctionnent le mieux pour la personne concernée.

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