Nomophobie : le terme ne vous dit rien ? Apparu en 2008 suite à une étude  menée par l’organisation YouGov mandatée par la UK Post Office, ce néologisme, qui fusionne l’anglais « no mobile » et le grec « phobos », désigne, comme l’explique le Larousse, la « peur panique de ne plus avoir son smartphone à portée de main ». Le nomophobe, ou mobidépendant, « ne peut se passer de son téléphone portable et éprouve une peur excessive à l’idée d’en être séparé ou de ne pouvoir s’en servir ». Une source d’angoisse liée à la modernité numérique, et qui semble toucher de plus en plus d’usagers. Et vous ? Êtes-vous concernés ?

Nomophobie : épidémie en vue ?

La question vous étonne ? Vous ne devriez pas. Dernièrement, je citai dans un post Instagram ces quelques chiffres tirés d’une étude menée par Onepoll pour Oneplus en 2021 :

  • 32 % des Britanniques sont atteints de nomophobie ;
  • 8 Européens sur 10 ont leur smartphone à portée de main en permanence ;
  • 62 % des Français ne peuvent se passer de leur téléphone portable une journée durant.

Ces résultats n’ont rien d’étonnant. Depuis 2008, les sondages commandités par les institutions comme par les entreprises de la téléphonie mobile abondent, qui scrutent la mobidépendance. En 2012, l’article « La « nomophobie » : jamais sans mon portable » publié sur le site du Nouvel Obs évoque ces données : 66 % des Britanniques usant d’un téléphone mobile se disaient très angoissés à l’idée de le perdre, chiffre qui s’élève à 76 % chez les jeunes de 18 à 24 ans). En France, un sondage mené par la société Mingle révélait la même année que 22 % des Français ne pouvaient se passer plus d’une journée sans leur téléphone portable.

En dix ans, les chiffres ont explosé et la période de pandémie n’a rien arrangé. Aujourd’hui, selon l’ONU, 3/4 des êtres humains de plus de 10 ans possèdent désormais un téléphone portable. « Les téléphones portables sont la passerelle la plus commune vers internet » explique l’Union internationale des télécommunications dans son rapport annuel scrutant l’état de la connectivité mondiale. Avec 221 consultations quotidiennes en moyenne, le smartphone s’est imposé dans nos vies et pour tout faire : 

  • Appeler ses proches à n’importe quel moment et en toute occasion depuis n’importe quel lieu, pour peu qu’on ait une connexion, vocalement, par texto, SMS, Messenger ou vidéo call…
  • Compiler ses photographies, ses chansons, ses souvenirs et ses données personnelles (le téléphone portable est devenu une sorte de portefeuille numérique où enregistrer son agenda, ses comptes bancaires, ses cartes de fidélité, ses vidéos de vacances, les photos du petit dernier… ; c’est aussi une bibliothèque de livres et de morceaux de musique)
  • Se repérer et se diriger dans l’espace public tout en ayant accès à des offres personnalisées
  • Se connecter aux réseaux sociaux…

Quel impact sur la santé mentale ?

On imagine aisément que cette infiltration dans les activités quotidiennes accroît les cas de nomophobie. Les plus touchés sont initialement les moins de 25 ans (jeunes adultes et adolescents), les professionnels hyperconnectés dépendant d’Internet pour travailler. Mais aujourd’hui, le smartphone est devenu indispensable. Assujettis à cet outil aussi complet et qui a remplacé à la fois les modes de paiements classiques, les plans, les papiers d’identité, nous sommes tous concernés par une mobidépendance qui risque de se déployer en force avec les menaces de coupures de courant et d’internet, la cherté de la vie qui hausse le prix de production des smartphones, l’instabilité des réseaux sociaux, le danger du piratage…

Le problème doit être posé, car la nomophobie se traduit aussi bien au niveau physique que mental. Troubles du sommeil, migraines ophtalmiques, altération de l’audition, douleurs au niveau des doigts et de la main, du coude, des épaules et des cervicales, le corps n’est pas épargné par l’usage assidu du smartphone. Le psychisme non plus : 

  • Troubles de la mémoire et de l’attention, baisse de la concentration, appauvrissement du langage.
  • Sentiment de solitude et d’isolement, altération des échanges sociaux, baisse de la confiance en soi, estime personnelle amoindrie, burn-out numérique.
  • Intolérances aux frustrations de la vie réelle, impatience, colère, comportements à risque, par exemple, conduire en regardant l’écran de son smartphone)..

La nomophobie apparaît clairement en cas de perte, vol ou panne du téléphone, de batterie vide ou d’application qui dysfonctionne, quand il y a un problème de connexion, une altération de la couverture réseau. Outre le sentiment de frustration immédiat, les nomophobes ressentent alors une impression d’isolement insupportable ; ils sont convaincus que cette rupture de communication va impacter leurs performances professionnelles ; la sensation de FOMO (Fear of Missign Out ou peur de rater un événement crucial) s’installe, oppressante, créant de l’anxiété informationnelle

Nomophobie : signes et solutions

Contrairement à l’addiction au jeu, la nomophobie n’est pas répertoriée par le DSM et donc pas reconnue officiellement par le corps médical. On sait néanmoins en identifier les symptômes. Outre un sentiment de panique quand le téléphone est hors de portée ou en panne, la nomophobie peut se traduire de différentes manières :

  • On consulte son téléphone dès son réveil, voire pendant la nuit.
  • On scrute l’écran constamment, même quand on marche dans la rue, quand on est dans une réunion professionnelle ou familiale.
  • On scrolle en continu.
  • On écoute musique et podcasts uniquement depuis son téléphone, idem pour le visionnage de vidéos et de séries, l’usage de jeux vidéos.
  • On appelle ses proches à la moindre occasion, et on dialogue avec eux comme s’ils étaient à côté de soi.
  • On ressent une tension au niveau du pouce, annonciatrice d’une tendinite.

Pour y remédier, des solutions évidentes s’imposent 

  • Supprimer un maximum de notifications, utiliser le mode « Avion » ou « Ne pas déranger ».
  • Placer son smartphone dans une poche fermée, ne pas le garder en main ou accroché à son cou ; instaurer des heures d’utilisation, des pauses sans smartphone, ne pas l’utiliser pendant les heures de repas ou à partir d’une certaine heure en fin de journée.
  • Recharger son téléphone dans une autre pièce, en dehors de la chambre à coucher…

Mais il faut aussi interroger le pourquoi de cette dépendance. Il convient déjà d’en prendre conscience, et cela commence par observer comment on se comporte avec son smartphone : 

  • Est-on affolé quand il n’est plus à portée de main ?
  • Quelles émotions ressent-on quand on le consulte au quotidien ? Contentement ? Peur ? 
  • Pour quelles raisons le consulte-t-on ? S’informer ? S’occuper ? Rompre la solitude ?
  • Quel ressenti tandis qu’on reçoit ou attend un message, SMS ou mail ? De l’impatience, de l’irritation, de l’énervement ?

Il faut aussi estimer le temps passé sur le téléphone et lister les actions qu’on y accomplit, puis répertorier ces données sur un tableau pour visualiser ces activités. On peut ensuite trier ces activités : lesquelles sont liées au travail, à l’intime, au loisir ? Lesquelles n’étaient pas nécessaires ? On peut aussi s’interroger sur les alternatives pour certaines occupations, par exemple préférer lire un livre concret qu’une version dématérialisée sur smartphone, acheter un vrai réveil plutôt que d’utiliser la fonctionnalité…

Mal du siècle en devenir, la nomophobie peut s’avérer le révélateur de déséquilibres plus profonds, plus anciens. Mais il constitue également un risque pour la santé mentale en soi, qu’il ne faut pas négliger à l’heure du tout digital. Si cette problématique vous interpelle, si vous vous êtes reconnu dans ces lignes, n’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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