On n’y pense pas et pourtant, c’est une évidence. Le manque de lumière participe du développement d’un terrain anxieux. On parle généralement de dépression saisonnière, de blues hivernal, que d’aucuns traitent à coup de vitamines et de luminothérapie. C’est oublier que le manque de lumière peut contribuer chez certaines personnes à des poussées d’angoisse débouchant sur des crises éprouvantes… ce qui n’est pas une nouveauté du reste. Il suffit de parcourir les vers poignants du poème « Spleen » de Baudelaire pour s’en convaincre. Que se passe-t-il quand on manque de lumière ? Comment cette carence peut-elle engendrer de l’anxiété et favoriser les crises d’angoisse ? Voici quelques éléments de réponse.
Marie sans lumière… comme 1 Français sur 3
Retrouvons Marie, notre héroïne, et ces crises d’angoisse qui lui pourrissent la vie et dont elle peine à se débarrasser. Stressée au quotidien, surmenée au travail comme dans sa vie personnelle, elle manque de sommeil, est sujette à la rumination mentale. Et le manque de lumière n’arrange rien.
- Sa nervosité, son anxiété, sa fatigue augmentent avec l’automne quand les jours raccourcissent : moins de soleil, moins de lumière, moins d’entrain, plus de pression, Marie sent bien que la réduction du temps de lumière a un effet néfaste sur son état physique et psychique.
- Et puis elle travaille enfermée dans des bureaux mal éclairés, mal aérés, où les fenêtres manquent cruellement, ainsi que les points de vue agréables. Par ailleurs, elle passe un temps considérable dans les transports en commun, le métro notamment, donc en souterrain. Cela n’arrange rien.
- Quand enfin, elle rentre chez elle, elle n’a guère le temps de lézarder au soleil ; il faut s’occuper de la maison, des enfants, en prime dans un logement exigu, sans balcon ni terrasse ni jardin ; précisons à ce titre qu’elle rejoint les 9,5 % (1 sur 10) de Français qui considèrent manquer de lumière dans leur logement selon une étude menée par Eurostat en 2021.
Déjà très éprouvée par son rythme de vie, Marie, comme 1 Français sur 2, souffre de la rareté de lumière impliquée par la vie urbaine, rareté accentuée par l’arrivée des mauvais jours. Cela aggrave ses crises d’angoisse de manière notable. Elle a d’ailleurs remarqué que ces dernières surviennent souvent au crépuscule, avec l’arrivée de la nuit. Mais, il y a d’autres raisons. En effet, différents paramètres entrent en jeu qui permettent de comprendre ce processus.
Manque de lumière, perturbation du rythme circadien et autres dommages collatéraux
Il faut comprendre que le manque de lumière, outre les angoisses liées à l’obscurité et la peur du noir, déclenche plusieurs réactions physiologiques qui vont perturber le rythme biologique. Chez certains sujets plus sensibles, cela engendrera une hausse du stress conséquente, avec en ligne de mire la possible éruption d’une crise de panique.
Perturbation du rythme circadien et manque de sommeil
Le corps humain est régulé par un rythme circadien (sur une journée de 24 heures), qui est influencé par la lumière du jour. Cette dernière joue un rôle crucial dans la régulation de notre cycle veille-sommeil. Une exposition suffisante à la lumière naturelle pendant la journée aide à maintenir la régularité de cette cadence interne, ce qui favorise un sommeil de qualité.
Par contrecoup, le manque de lumière naturelle perturbe cette rotation, entraînant des troubles du sommeil tels que l’insomnie. Le manque de sommeil lui-même, ne l’oubliez pas, peut augmenter le risque d’anxiété et de crises d’angoisse, comme je vous l’explique dans le premier article de cette série, « Les facteurs facilitant le déclenchement d’une crise d’angoisse : le manque de sommeil ».
Manque de lumière et impact sur la production hormonale
La perturbation du rythme circadien engendre d’autres phénomènes, notamment au niveau hormonal. En effet, lorsque nous sommes exposés à la lumière naturelle pendant la journée, notre corps produit des hormones qui interviennent au premier plan dans la régulation de l’humeur. Le manque de lumière naturelle peut bousculer ce fonctionnement, entraînant une dysrégulation hormonale et une augmentation de l’anxiété. Voilà pourquoi les jours d’hiver, qui sont plus courts, plus sombres, peuvent être associés à une prévalence plus élevée de troubles de l’humeur, tels que le trouble affectif saisonnier, qui se caractérise par une dépression saisonnière et une anxiété accrue.
Le manque de lumière impacte notablement le processus de synthèse de la sérotonine, un neurotransmetteur qui contribue à l’équilibre émotionnel global. Lorsque nous sommes exposés à la lumière du jour, notre corps produit plus de sérotonine, ce qui peut avoir un effet positif sur l’anxiété. En revanche, le manque de lumière peut réduire la création de sérotonine, ce qui peut augmenter le risque d’anxiété et de crises d’angoisse. Ainsi, certaines personnes peuvent éprouver une détérioration de leur état émotionnel et développer une anxiété accrue lorsqu’elles passent beaucoup de temps dans des environnements sombres ou peu éclairés (personnes travaillant la nuit ou en sous-sol).
Effet du manque de lumière sur la vitamine D
L’exposition à la lumière du soleil est essentielle pour la production de vitamine D dans notre corps. Or la vitamine D intervient de manière cruciale dans la régulation de l’humeur et de l’anxiété. Un déficit en vitamine D peut être associé à une augmentation des symptômes anxieux et des états dépressifs, comme l’a démontré une étude menée en 2018 dont le résultat, édifiant, a été publié dans The Journal of Post-Acute and Long-Term Care Medecine. Pratiquée sur un panel de seniors, cette enquête a mis en évidence des risques de dépression importante chez 75 % des personnes suivies quatre ans après la carence en vitamine.
En d’autres termes : une bombe à retardement au niveau de l’anxiété et des crises d’angoisse. Précisons que :
- l’exposition à la lumière et au soleil permet de générer 80 % des besoins en vitamine C ;
- 80 % de la population occidentale est carencée en vitamine D selon l’Académie de Médecine Française avec des conséquences sur la qualité de sommeil, la structure osseuse, la tonicité musculaire, l’élasticité de la peau… et l’état mental.
Revenons à Marie. Si ce n’est pas la raison principale de son anxiété, le manque de lumière contribue clairement à accroître son état d’épuisement et de tension… parfois jusqu’à la crise.
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