Inscrite dans l’ADN même des thérapies cognitivo-comportementales, la restructuration cognitive constitue une étape délicate qu’il convient d’accompagner avec des outils spécifiques. Parmi ceux-ci, on trouve les colonnes de Beck. S’il est essentiel, cet exercice n’est pas toujours évident à pratiquer, du moins au début de la thérapie. Explications.
Un outil de restructuration
Également connues sous le nom de « feuille de travail des pensées automatiques », les colonnes de Beck sont utilisées en psychologie et en thérapie cognitivo-comportementale. Développé par le psychiatre américain Aaron T. Beck durant les années 1960, dans le cadre de son travail sur les TCC, cet exercice doit permettre au patient d’examiner et de restructurer ses pensées automatiques invasives ou irrationnelles.
C’est un véritable vecteur de prise de conscience qui a pour objectif :
- L’identification des pensées automatiques négatives, le repérage des schémas de pensée récurrents qui contribuent aux problèmes émotionnels.
- La remise en question de ces distorsions cognitives via l’examen des preuves qui soutiennent ou contredisent les pensées automatiques.
- La remise en question des croyances irrationnelles ou déformées.
- L’émergence de nouvelles pensées plus adaptatives et réalistes.
Ces différentes étapes favorisent une prise de recul particulièrement efficace dans le traitement de la dépression, de l’anxiété et d’autres troubles psychologiques.
Un tableau, plusieurs colonnes, différentes étapes
La feuille de travail des colonnes de Beck est divisée en plusieurs parties, chacune ayant un objectif spécifique :
- Situation : Dans cette colonne, le patient est invité à décrire la situation déclenchant ses pensées automatiques. Il s’agit d’identifier le contexte dans lequel surviennent les pensées problématiques. Exemple : une visite chez le médecin.
- Pensées automatiques : Le patient est encouragé à noter les pensées spontanées qui lui viennent à l’esprit en relation avec la situation donnée. Ces pensées, souvent désagréables, seront ciblées par la restructuration cognitive ultérieure. Exemple : Je suis certain.e que le médecin va trouver quelque chose qui ne va pas.
- Émotions : Cette colonne permet au patient de noter les émotions ressenties en lien avec les pensées automatiques. Exemple : ces visites chez le médecin déclenchent chez moi de l’angoisse, de l’anxiété. J’ai peur d’être malade sans le savoir, de déclencher une maladie grave, sournoise.
- Preuves qui soutiennent la pensée automatique : Ici, le patient est encouragé à identifier les preuves concrètes qui soutiennent ses pensées automatiques. Cela aide à prendre conscience des erreurs de pensée qui peuvent influencer les croyances irrationnelles. Exemple : j’ai déjà vécu des visites médicales où on a trouvé quelque chose qui n’allait pas, depuis j’ai peur d’avoir quelque chose de très grave, je n’ai plus confiance dans mon corps, et j’ai peur d’avoir mal, de mourir.
- Preuves qui contredisent la pensée automatique : Il s’agit d’explorer des perspectives alternatives ou des interprétations plus objectives de la situation. Exemple : Jusqu’à présent, je suis toujours parmi les vivants, on a pu me soigner, je suis suivi.e.
- Nouvelle pensée équilibrée : Le patient est invité à formuler une pensée alternative plus réaliste, nuancée qui tient compte des preuves contradictoires. Cette nouvelle pensée sert de remplacement aux pensées automatiques négatives. Exemple : aller chez le médecin n’est pas synonyme de catastrophe sanitaire en devenir, je vais très bien, et si jamais un problème survient, mon médecin saura m’épauler pour éviter que ça devienne grave.
Un travail d’introspection révélateur
Dit comme cela, ç’a l’air tout simple… à tort. Les patients à qui l’on soumet les colonnes de Beck ont souvent quelques soucis pour les remplir du premier coup. Certains s’y reprennent à plusieurs fois, d’autres ne comprennent pas ce qui est demandé, d’autres encore confondent les thèmes. C’est que ce travail d’introspection est à la fois complexe et douloureux, mais aussi particulièrement révélateur. Les patients se retrouvent face à des obstacles inattendus :
- La résistance au changement : certaines personnes peuvent avoir du mal à remettre en question leurs pensées automatiques ou à adopter de nouvelles perspectives. Cela peut être dû à la peur de l’inconnu, à l’attachement à leurs croyances, à la force de l’habitude…
- L’identification des pensées automatiques : cela peut s’avérer délicat pour certains patients. Les pensées peuvent être fugaces, tellement ancrées qu’il est difficile de les remarquer consciemment. Cela nécessite une certaine introspection et une prise de conscience de ses propres schémas de pensée.
- Les biais cognitifs et les distorsions : les patients peuvent être pris dans des schémas de pensée déformée ou des biais cognitifs, tels que la pensée catastrophique, la généralisation excessive ou le filtrage sélectif. Reconnaître ces distorsions et les remettre en question demande du temps et de l’effort.
- La résistance émotionnelle : certaines de ces pensées automatiques invasives peuvent être étroitement liées à des émotions profondes, intenses. Les patients peuvent éprouver de l’anxiété, de la tristesse ou de la colère en remettant en question ces pensées. Cela peut rendre le processus inconfortable et difficile à aborder.
- Le manque de motivation ou d’engagement : il arrive que certains patients s’impliquent moins dans le processus thérapeutique. Ils peuvent ne pas voir l’utilité des colonnes de Beck, ne pas croire qu’elles puissent faire une réelle différence dans leur bien-être… Ils peuvent aussi être à un stade de la thérapie où ils ressentent un mieux et n’ont plus envie de développer de nouveaux outils. À moins qu’ils soient sur un temps de stagnation.
Les colonnes de Beck ont pour but de rompre avec des habitudes et d’adopter de nouvelles perspectives. Particulièrement efficace quand elle est bien conduite, cette pratique va cependant demander du temps et de la persévérance. Il importe de ne pas se lancer seul dans le renseignement des colonnes de Beck, au risque de s’en détourner, écœuré et plus perdu qu’avant. Les psychologues et les patients doivent être conscients de ces difficultés potentielles et travailler en collaboration afin de les surmonter. L’établissement d’une relation de confiance, la qualité du soutien émotionnel et la clarification des objectifs thérapeutiques peuvent aider à atténuer ces obstacles, afin d’utiliser cet excellent outil au mieux.
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