Mon dernier article, souvenez-vous, portait sur le syndrome de la gentille fille. Un second acte s’impose. Un de mes patients ayant lu ce texte, m’a demandé : « Et les garçons ? » Eh bien, il se trouve que les messieurs aussi peuvent en souffrir. J’imagine votre surprise : quand on parle du syndrome de la gentille fille, on imagine une femme prisonnière de ses propres élans de bienveillance, enfermée dans le rôle de celle qui veut faire plaisir à tout prix. Mais qu’en est-il des hommes ? Trop souvent, cette question est écartée, comme si le syndrome n’affectait qu’un seul genre. Or, la réalité est tout autre. Les hommes aussi peuvent se retrouver piégés dans un cercle vicieux de gentillesse, une spirale qui leur impose des comportements autocensurés, invisibilisés par les stéréotypes de la virilité.

« Nice Guy Syndrome »

Il importe avant tout de ne pas confondre le syndrome de la gentille fille chez les hommes avec ce que l’on appelle communément le « Nice Guy Syndrome ». Ce dernier terme, popularisé durant les années 2000 sur des forums en ligne et dans la culture populaire anglophone, décrit un comportement masculin où la gentillesse est utilisée comme une stratégie de séduction cachée, souvent avec une attente implicite de reconnaissance ou de récompense, notamment de la part des femmes. Les « Nice Guys » se plaignent fréquemment de ne pas être appréciés ou valorisés à leur juste valeur, malgré leur bienveillance apparente, ce qui traduit une certaine frustration et parfois une manipulation déguisée derrière leur gentillesse.

La gentille fille au masculin

À l’inverse, le syndrome de la gentille fille au masculin repose davantage sur une véritable difficulté à poser des limites et à s’affirmer. Il ne s’agit pas pour les hommes concernés de chercher une validation extérieure en espérant un retour, mais plutôt d’une incapacité à dire « non », motivée par la peur du rejet ou du conflit. Les hommes pris dans cet engrenage adoptent des comportements de soumission non par manipulation, mais par un conditionnement social qui les pousse à être toujours accommodants et effacés. Ils ne cherchent pas à contrôler les autres, mais à éviter tout conflit, ce qui les conduit à s’oublier.

Injonction à la virilité : un fardeau écrasant

Si les femmes sont souvent conditionnées à être douces et accommodantes, les hommes sont, eux aussi, soumis à des injonctions sociales qui, paradoxalement, les poussent à adopter des attitudes « gentilles » pour éviter de sembler vulnérables ou inadéquats. Bien qu’on leur demande de se montrer forts, protecteurs et compétitifs, beaucoup d’hommes intériorisent également l’idée qu’ils doivent toujours être disponibles, serviables, et éviter les conflits à tout prix pour être acceptés socialement. Ils peuvent alors tomber dans une gentillesse excessive, non pas par nature, mais par contrainte.

Un besoin de validation caché

Dans cette quête de validation, nombre d’hommes développent des mécanismes de gentillesse qui ressemblent à ceux du syndrome de la gentille fille. Ils cherchent à éviter tout ce qui pourrait créer des tensions ou les marginaliser au sein de leur groupe social ou familial. Dire « non » devient alors tout aussi difficile pour eux. Ce besoin de validation peut même s’amplifier au travail, dans les relations amoureuses, ou dans les cercles sociaux, où certains hommes se sentent contraints d’endosser un rôle de « gentil » pour rester acceptés.

De l’épuisement émotionnel à la frustration

Tout comme les femmes, les hommes pris dans ce piège finissent par en payer le prix. Cette incapacité à poser des limites claires, à s’affirmer ou à dire ce qu’ils ressentent véritablement peut générer une profonde frustration intérieure. La conséquence est souvent un sentiment d’épuisement émotionnel, d’être constamment exploité ou incompris. À long terme, cela peut mener à des troubles comme l’anxiété, la dépression, voire un burn-out, particulièrement dans le cadre professionnel. Ces hommes « gentils » vivent alors un conflit interne intense entre leur désir de répondre aux attentes des autres et leur besoin d’exister pour eux-mêmes.

Le piège des relations déséquilibrées

Les hommes touchés par ce syndrome se retrouvent aussi dans des relations déséquilibrées. Leurs relations personnelles ou professionnelles deviennent des espaces où ils donnent sans compter, sans recevoir l’attention ou la reconnaissance qu’ils méritent en retour. Ce déséquilibre s’installe en raison de la peur du conflit et du rejet, et ils finissent par s’oublier dans des dynamiques relationnelles toxiques. Souvent, cette situation se manifeste particulièrement dans les relations amoureuses où ils s’efforcent d’être l’homme « parfait », attentif, sans jamais exprimer leurs propres besoins ou désirs.

Une question d’éducation

Comme pour les femmes, les comportements qui mènent au syndrome de la gentille fille chez les hommes trouvent généralement leur origine dans l’éducation et les stéréotypes de genre. Depuis leur plus jeune âge, les hommes sont encouragés à éviter l’expression de leurs émotions sous peine d’être perçus comme faibles. Pourtant, cette inhibition émotionnelle les pousse à compenser par une attitude de gentillesse extrême, dans l’espoir de masquer leurs véritables ressentis. Ils se retrouvent ainsi dans une sorte de double contrainte : montrer leur virilité tout en ne créant jamais de vagues.

Se réconcilier avec soi-même

La solution pour les hommes pris dans ce cercle vicieux réside d’abord dans une prise de conscience. Réaliser que ce comportement n’est ni une preuve de virilité ni une façon de maintenir des relations saines est essentiel. S’affirmer, c’est aussi savoir exprimer ses besoins sans culpabilité, poser des limites et accepter que les conflits peuvent être constructifs. Il est également crucial pour ces hommes de déconstruire les stéréotypes de genre qui pèsent sur eux. La virilité ne réside pas dans l’effacement de soi, mais dans l’authenticité et la capacité à assumer ses propres émotions et désirs. Sortir du syndrome de la gentille passe par une redéfinition des valeurs : être bienveillant ne signifie pas se sacrifier ou nier ses propres besoins.

Pour se libérer du syndrome, les hommes touchés doivent apprendre à cultiver des relations équilibrées et authentiques. Cela signifie être capable de dire « non », d’établir des relations dans lesquelles leurs besoins et ceux des autres sont mutuellement respectés. Reprendre le contrôle de son identité et de ses interactions sociales est un processus de transformation personnelle, qui leur permet de vivre des relations plus saines et de gagner en estime de soi.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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