Ce n’est pas la première fois que j’aborde la question de la charge mentale ; pour tout dire, elle est quasi centrale dans toutes mes consultations, mes patients évoquant son impact à chaque séance. Il convient alors bien évidemment d’éclairer le pourquoi de la charge mentale, ses racines. Il importe aussi de comprendre les mécanismes qui entraînent la charge mentale. Et puis, il faut trouver des parades. Et là, c’est plus compliqué : apprendre à dire non, déléguer… Pas forcément évident, surtout dans le couple, où cela engendre moult tensions. Tâches domestiques, décisions à prendre, organisation familiale, on se sent vite dépassée, voire étouffée. J’emploie le féminin volontairement, car la gestion du quotidien incombe surtout à ces dames : selon une étude Ipsos réalisée pour O2 Care Services en 2018, 8 femmes sur 10 (77 %) déclaraient avoir trop de choses auxquelles penser et avoir peur d’en oublier. C’est énorme. Comment alors réussir à répartir l’effort plus équitablement entre les conjoints ? Parmi les outils envisageables, la méthode du Capitaine pourrait permettre de réduire drastiquement les disputes et de rééquilibrer les responsabilités au sein du foyer.

La méthode du capitaine selon Cassidy Shelton

La méthode du capitaine a émergé récemment sur les réseaux sociaux, dans le sillage de la tiktokeuse Cassidy Shelton. Cette dernière partage régulièrement ses réflexions sur la santé mentale ; c’est ainsi qu’elle a publié une vidéo dans laquelle elle explique sa technique pour équilibrer la répartition des tâches au sein de son couple : la méthode du capitaine consiste à donner à chaque personne dans le couple la responsabilité d’un domaine précis de la vie quotidienne, tel un « capitaine » en charge de son équipe.

L’idée (qui s’inspire du concept de l’avantage comparatif rattaché à la théorie du commerce international) a rapidement fait son chemin, relayée par plusieurs articles, notamment dans la presse féminine (Madame Figaro, Elle, Cosmopolitan, Fémina, Journal des femmes…). Histoire de surfer sur une tendance qui a quand même mobilisé 1,3 million de personnes ? Quoi qu’il en soit, l’idée est intéressante : il s’agit ni plus ni moins que de répartir les tâches dans le couple, en fonction des compétences et des facilités de chacun. Cassidy Shelton explique par exemple que son compagnon, très ouvert et à l’aise avec la prise de parole et la communication, se charge des relations avec leur propriétaire ; elle, plus réservée, plus versée dans l’algèbre et la comptabilité, gère le paiement du loyer. Et ainsi de suite.

Devenir le capitaine d’un domaine spécifique

Traduction : au lieu de partager chaque décision et chaque responsabilité, ce qui peut générer des conflits ou de la confusion, chaque membre du couple devient le « capitaine » d’un domaine spécifique dans lequel il excelle, qu’il aime pratiquer et dont il devient le responsable. Il ou elle a la charge exclusive de ce domaine, prise de décisions, organisation, gestion de cette catégorie de tâches.

Cela peut se conjuguer ainsi :

  • L’un s’occupe de l’organisation des repas : faire les courses, planifier les menus, veiller à ce que les placards soient bien remplis. L’autre gère le ménage : organiser le calendrier de ménage, nettoyer les différents espaces de vie de la maison, acheter les produits ménagers.
  • Monsieur supervise les enfants, ramassage scolaire, devoirs, activités ; Madame assure l’administratif du ménage : règlement des factures, prises de rendez-vous, répartition du budget…

Le principe de répartition permet de clarifier qui est responsable de quoi, tout en allégeant la charge cognitive, souvent portée par une seule personne.

Répartition des rôles : comment s’y prendre ?

La mise en place de la méthode du capitaine est simple, mais nécessite une bonne communication au sein du couple, et une bonne connaissance de soi-même. Voici les étapes à suivre pour l’appliquer efficacement :

  • Segmenter les domaines clés de la vie quotidienne : cela inclut les tâches domestiques, l’éducation des enfants, la gestion des finances, la planification des vacances, etc.
  • Identifier les affinités de chacun : en d’autres termes, interroger les compétences de chacun, ses facilités, ce qu’il a le plus d’aisance à accomplir pour ensuite évaluer dans quels domaines clés il pourra intervenir.
  • Répartir les rôles : chacun choisit ou se voit attribuer un secteur dont il devient le « capitaine ». Rappelons que le capitaine est responsable de prendre toutes les décisions liées à ce domaine sans avoir besoin de consulter son partenaire pour chaque détail.
  • Fixer des limites : il importe de clarifier que chaque capitaine a l’autonomie nécessaire pour gérer son domaine, mais il peut solliciter l’avis de l’autre en cas de besoin.
  • Évaluer régulièrement : Comme pour tout système, il est recommandé de faire des points réguliers pour réajuster la répartition si besoin. Certains domaines peuvent évoluer, et il est possible de changer de « capitaine » au fil du temps.

Une bonne stratégie pour réduire les conflits

Les avantages sont appréciables : organisation plus fluide, climat plus serein. En clarifiant les responsabilités et en structurant la répartition des tâches, on désamorce de nombreuses sources de conflits et d’incompréhensions.

  • En assignant des rôles et des responsabilités clairs à chaque personne, la méthode du capitaine met fin aux discussions stériles sur la répartition des tâches. Chacun sait ce qu’il a à faire, ce qui permet de réduire les malentendus, les frustrations inutiles.
  • En répartissant les activités et en clarifiant les priorités, on n’est plus submergé par la gestion simultanée de nombreuses tâches. Cela offre une meilleure visibilité et un meilleur contrôle sur la situation, facilitant ainsi la prise de décisions et la gestion des imprévus.
  • Chaque « capitaine » étant libre de mener son domaine de manière indépendante, la confiance mutuelle entre les partenaires est renforcée. La liberté d’action favorise la responsabilisation, encourage la prise d’initiatives. Chacun a un rôle actif, ce qui améliore son implication, sa satisfaction.
  • Qui dit rôles bien définis dit clarification des attentes. On évite les non-dits, on saisit mieux ses besoins et ceux de l’autre. Le sentiment d’équité est renforcé, ce qui contribue à un environnement plus harmonieux et solidaire.
  • Chacun se voit attribuer des responsabilités précises en fonction de son expertise. Ce sentiment de compétence renforce l’estime de soi, car chaque personne devient un « spécialiste » de son domaine. Cela favorise également la confiance en ses propres capacités à gérer les imprévus et à s’adapter aux changements.
  • La méthode du capitaine présente l’attrait de réduire considérablement les sources de stress, les montées d’anxiété.

Les limites à prendre en compte

Dit comme cela, on peut penser que la méthode du capitaine est une panacée pour couples en détresse. Attention cependant : ce n’est pas un remède miracle.

  • Il convient d’y songer en amont, quand on commence à appliquer cette stratégie : qu’en est-il si un des membres du couple tombe malade, ou s’il vient à changer de travail et endosser plus de missions professionnelles ? Dans un couple équilibré, l’organisation sera rapidement reconfigurée. Mais les choses seront de prime abord difficiles à mettre en place si l’un des membres du couple n’a aucune expertise, est un feignant congénital, un manipulateur né, refuse tout net de se remettre en question. La méthode du capitaine peut s’avérer le révélateur de dysfonctionnements profonds.
  • Elle repose en grande partie sur la planification et le contrôle des événements, ce qui peut devenir problématique dans des situations imprévues ou lorsque des aléas rendent difficile le respect des plans établis. Un capitaine ne peut pas tout contrôler, et parfois les tempêtes viennent chambouler la trajectoire prévue. Elle peut engendrer frustration et surcharge mentale si les ajustements constants deviennent nécessaires. Traduction : si le membre du couple en charge de la comptabilité est confronté à une baisse des rentrées financières, il va devoir gérer la crise et ne pourra pas le faire seul.
  • La méthode du capitaine implique le lâcher prise sur certains domaines du quotidien. Or pour un profil obsédé par le contrôle, déléguer une partie de ses prérogatives à son compagnon/sa compagne peut s’avérer une torture psychique pire que la charge mentale. Cette quête de perfection, cette incertitude constante, va paradoxalement augmenter la pression au lieu de la diminuer.
  • À force de tout planifier, on peut tomber dans l’excès inverse : une organisation tellement poussée laisse peu de place à la spontanéité et à la créativité. Cette tendance peut affecter la motivation et l’énergie sur le long terme.
  • Cette méthode ne convient pas à tout le monde. Les personnalités plus intuitives ou celles qui préfèrent fonctionner avec un certain degré d’improvisation peuvent se sentir enfermées par les exigences de la planification stricte. Il est donc crucial d’adapter la méthode selon son propre mode de fonctionnement et ses besoins spécifiques.

Résumons : la méthode du capitaine propose une approche pragmatique et flexible qui permet de réduire la charge mentale tout en améliorant l’harmonie au sein du couple. En clarifiant les rôles et en encourageant l’autonomie, elle offre une nouvelle manière de rééquilibrer les responsabilités, tout en réduisant les sources de conflits liés à l’organisation quotidienne. Mais elle porte aussi sa part d’ombre, révélatrice des dysfonctionnements profonds au sein d’un foyer. Il convient donc, selon moi de l’utiliser dans le cadre d’une optimisation, pas pour tenter de régler des problèmes de relations ancrés.

Cet article vous interpelle ? Vous vous retrouvez dans ces lignes ? N’hésitez pas à me contacter pour en discuter.

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